Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce sujet, l’étudiant devrait être capable de :

  • Discuter de la nécessité d’une optique de genre critique en lien avec le dépistage, l’évaluation et l’intervention.
  • Décrire les influences raciales sur l’usage de drogues et la stigmatisation.
  • Passer en revue l’effet du colonialisme sur l’usage nocif d’opioïdes.
  • Définir une approche de décolonisation vis-à-vis les soins.

Concepts clés

  • Des facteurs liés au sexe ont un effet sur la réaction du corps humain aux substances : comment les substances se métabolisent, quelles quantités mènent à l’intoxication, les impacts sur le cerveau, et le développement d’une tolérance, d’une dépendance ou d’un trouble lié à l’utilisation de substances. Le corps féminin et le corps masculin sont génétiquement et physiologiquement différents, ce qui a un impact sur ces processus.
  • Les facteurs liés au genre comprennent l’effet des rôles, des normes, des déséquilibres de pouvoir, de l’identité et du genre institutionnel sur les hommes, les femmes et les personnes diversifiées sur le plan du genre. Ces facteurs ont des répercussions au niveau des occasions ou des risques en matière d’usage, de l’exposition et des effets de la publicité, de l’exploitation, de l’accès aux soins et aux services, des pressions quant à l’usage de substances, et de la réponse sociétale à l’usage problématique.
  • Les femmes ont des taux plus élevés d’usage d’opioïdes sur ordonnance et une prévalence plus élevée de troubles de la douleur, de dépression et de troubles anxieux, ce qui peut entraîner un mauvais usage d’opioïdes sur ordonnance
  • Les hommes sont plus nombreux à faire l’usage d’opioïdes, et ce, en plus grandes quantités. Ils ont un taux de décès par surdose plus élevé, et sont davantage portés à mourir seul et sans demander de l’aide.
  • Les personnes noires, autochtones et de couleur font l’objet de plus d’attention de la part de la police, d’incarcérations, de bouleversements culturels, de traumatismes et de dommages, tous ces facteurs qui affectant les habitudes d’usage de substances.
  • Les Autochtones du Canada subissent un traumatisme intergénérationnel, conséquence directe du colonialisme.
  • Nous devons absolument comprendre les impacts et les liens entre le colonialisme, le racisme, les déterminants de la santé et les risques de méfaits liés aux opioïdes.

Sexe, genre, et usage d’opioïdes

Des facteurs liés au sexe ont un effet sur la réaction du corps humain aux substances : comment les substances se métabolisent, les variations au niveau de la toxicité, les impacts sur le cerveau, et le développement d’une tolérance, une dépendance ou un trouble lié à l’usage de substances. Le corps féminin et le corps masculin sont génétiquement et physiologiquement différents, ce qui a un impact sur ces processus.

Les facteurs liés au genre comprennent l’effet des rôles, des normes, des déséquilibres du pouvoir, de l’identité et du genre institutionnel sur les hommes, les femmes et les personnes diversifiées sur le plan du genre. Ces facteurs ont des répercussions au niveau des occasions ou des risques en matière d’usage, de l’exposition et des effets de la publicité, de l’exploitation, de l’accès aux soins et aux services, des pressions quant à l’usage de substances, et de la réponse sociétale à l’usage problématique.

  • Les facteurs liés au sexe et au genre interagissent souvent pour affecter l’impact de l’usage de substances sur la fertilité, la grossesse, l’allaitement, la parentalité, le soin des enfants ainsi que la violence sexuelle et conjugale.

Influences du sexe et du genre sur l’usage d’opioïdes chez les femmes

Voici quelques es différences importantes liées au genre et pertinentes dans la crise des opioïdes :

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  • un taux d’usage d’opioïdes sur ordonnance plus élevé chez les femmes (64 % des personnes qui font l’usage de l’analgésie aux opiacés sont des femmes [PACIRA, 2017]);
  • une plus forte prévalence de nombreux troubles liés à la douleur; et
  • une plus forte prévalence de dépression et de troubles anxieux.

Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de se faire prescrire des médicaments qui posent un risque supplémentaire lorsque mélangés aux opioïdes, comme les anxiolytiques.

  • Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de faire un mauvais usage d’opioïdes à la suite d’une ordonnance et d’être admises à l’hôpital pour surdose intentionnelle.
  • Les femmes passent plus rapidement que les hommes de l’utilisation d’opioïdes à la dépendance et souffrent de conséquences émotionnelles et physiques plus graves.
  • Les données démontrent que la majorité des femmes souffrant de dépendance ont été victimes de traumatismes graves comme les agressions sexuelles lors de l’enfance.

Influences du sexe et du genre sur l’usage d’opioïdes chez les hommes

Les normes masculines associées à l’usage de substances chez les garçons et les hommes sont causées en partie par des formes plus risquées d’usage général de substances par les hommes. Par exemple, les hommes sont plus susceptibles :

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  • d’augmenter leur dose de médicaments opioïdes;
  • de prendre des médicaments opioïdes de manière autre que par voie orale; et
  • de se procurer des opioïdes sur ordonnance d’une source illégale.

Les tendances sexospécifiques associées à la masculinité, telles que l’usage en solitaire, la prise de risques et le fait de ne pas chercher d’aide, sont liées à des décès par surdose plus élevés chez les hommes.

Comparativement aux autres types d’usage de substances, les femmes et les hommes qui souffrent d’un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes sont plus susceptibles de déclarer avoir vécu un événement traumatisant et de déclarer des taux plus élevés de traumatismes pendant l’enfance.

Influences du genre sur l’usage d’opioïdes chez les personnes transgenres

Transgender icon
  • Les personnes transgenres subissent des taux élevés de discrimination et de violence fondées sur le genre, qui sont susceptibles d’influencer l’usage et l’usage problématique.
  • Dans un commentaire, Girouard et al. (2019) ont noté que l’on sait peu de choses sur le fardeau spécifique de la crise des opioïdes sur les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ).
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Lecture supplémentaire

Sex, Gender and Equity Analyses ReportPour ceux qui s’intéressent à l’analyse fondée sur le sexe, le genre et l’équité dans le domaine de l’usage de substances, ce guide vous aidera à suivre les étapes. Sex, Gender and Equity Analyses [Report]

Le racisme et les troubles liés à l’usage d’opioïdes

  • En 2012, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-10 (Loi sur la sécurité des rues et des communautés) dans le cadre de la stratégie nationale antidrogue du gouvernement. Cette stratégie a souligné entre autres l’accent que met la police sur les communautés noires (les hommes et les garçons en particulier), ce qui a entraîné une tendance à la criminalisation raciale et à l’incarcération disproportionnée.
  • Les hommes et les femmes autochtones sont également incarcérés de manière disproportionnée, ce qui entraîne des vies individuelles et familiales endommagées, des communautés affaiblies et un impact intergénérationnel.
  • Les associations péjoratives de personnes noires et autochtones avec la criminalité ont intensifié les niveaux de stigmatisation et de racisme qui existent depuis des décennies.
  • Une analyse critique du discours des publications des médias d’information canadiens met en évidence les différences dans la couverture médiatique des personnes touchées par une surdose d’opioïdes, l’image la plus courante étant celle d’une jeune victime blanche, dépassant de 30 pour 1 les rapports sur les victimes autochtones (Johnston, 2020).
    • L’auteur rappelle que ceux à qui on donne la parole sont le plus souvent blancs, et rarement autochtones (p. 141).
  • L’atteinte à l’estime de soi, la discrimination et la stigmatisation intériorisée sont les plus grands facteurs de risque pour la santé endurés par les personnes noires et autochtones, ce qui augmente leur risque de faire l’usage des opioïdes comme mécanisme d’adaptation.

Colonialisme, violence structurelle et traumatismes

La colonisation a eu l’effet de priver les Premières Nations de leur culture, leurs terres et leurs langues. Les traumatismes intergénérationnels lourds de conséquences touchent encore bien des peuples autochtones et affectent leur santé et leur bien-être, y compris en ce qui concerne l’usage de substances.

Les traumatismes engendrés par le colonialisme, les pensionnats autochtones, l’éclatement des familles et le génocide culturel ont créé des troubles distincts pour les communautés autochtones, entre autres :

  • des taux élevés de chômage et de pauvreté;
  • un faible niveau d’instruction;
  • des logements inadéquats;
  • un nombre disproportionné d’enfants pris en charge par les services de protection de l’enfance;
  • des problèmes de dépendance; et
  • un accès limité aux services de santé et sociaux.

Des facteurs de protection tels que les systèmes de parenté, la culture et la communauté ont été supprimés ou endommagés par des facteurs historiques, notamment :

  • la perte de la langue et du lien avec la terre;
  • la perte du droit au logement dans les réserves pour les femmes qui se marient;
  • les retraits d’enfants;
  • la violence subie dans les pensionnats;
  • le racisme systémique et le sexisme;
  • la destruction de l’environnement; et
  • le détachement culturel, spirituel, émotionnel et mental.

Le colonialisme continue d’affecter disproportionnellement les peuples autochtones par le biais de la dépendance. En Colombie-Britannique, par exemple :

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  • Le taux de mortalité des Autochtones qui utilisent des drogues est 5 fois plus élevé que celui des autres usagers de drogues.
  • Même s’ils ne forment que 2,6 % de la population, les personnes autochtones représentent 10 % des décès par surdose.
  • Les femmes autochtones risquent 8 fois plus de faire une surdose non fatale et 5 fois plus de faire une surdose fatale que les femmes non autochtones.

Selon l’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations de 2008-2010 réalisée auprès d’Autochtones âgés de 18 ans et plus vivant dans des réserves ou dans des communautés nordiques, 4,7 % d’entre eux ont déclaré avoir consommé, au cours de la dernière année, des opioïdes illicites (héroïne) ou sur ordonnance, dont la morphine, la méthadone et la codéine, sans avoir d’ordonnance, et 5,7 % ont dit avoir consommé des sédatifs ou des somnifères, dont le diazépam et l’oxazépam, sans avoir d’ordonnance.

Nous devons absolument comprendre les impacts et les liens entre le colonialisme, le racisme, les déterminants de la santé et les risques de méfaits liés aux opioïdes.

La décolonisation est complémentaire à une approche tenant compte des traumatismes où les prestataires remettent constamment en question les connaissances et les systèmes communs et conventionnels et s’associent avec les peuples autochtones pour repenser les soins de santé à tous les niveaux (Chandananbhumma et Narassimhan, 2020).

Chandananbhumma et Narassimhan (2020) suggèrent un cadre de décolonisation appliqué à la promotion de la santé,(Figure 1) comprenant trois domaines qui se chevauchent.

Figure 1. Cadre de décolonisation appliqué à la promotion de la santé

Graphic of Applied decolonial framework for health promotion

Questions

Comment la compréhension des facteurs liés au sexe peut-elle être appliquée au dépistage et à l’évaluation?

Tenir compte des aspects sexospécifiques tels que l’anatomie, la physiologie, les hormones et les réactions cérébrales des corps féminin et masc.

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

Comment une compréhension des facteurs liés au genre, pour les femmes, les hommes et les individus de genres divers, pourrait-elle être appliquée au dépistage et à l’évaluation?

Tenir compte des rôles, des occasions, des normes, du pouvoir, de l’identité, de la violence interpersonnelle, de l’impact du marketing et de l’accès aux soins.

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

Quel aspect du dépistage du mauvais usage d’opioïdes peut changer compte tenu de l’impact historique et sociétal du racisme, du sexisme et du colonialisme?

Tenir compte des impacts croisés du racisme, du colonialisme, du sexisme et de la stigmatisation sur les Canadiens marginalisés, y compris les personnes noires et autochtones.

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

Références

Centre of Excellence for Women's Health. (2019). Sex, gender and women's use of opioids. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2018/02/TGSInfoSheet-SexGenderOpioids021318.pdf

Centre of Excellence for Women's Health. (2020). Sex, gender and opioids. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2020/05/CEWH-02-IGH-Handout_Opioids.pdf

Chandanabhumma, P.P., et Narasimhan, S., 2020. Towards health equity and social justice: an applied framework of decolonization in health promotion. Health Promotion International 35, 831–840.

Girouard, M. P., Goldhammer, H., et Keuroghlian, A. S. (2019). Understanding and treating opioid use disorders in lesbian, gay, bisexual, transgender, and queer populations. Substance Abuse, 40(3), 335–339. https://doi.org/10.1080/08897077.2018.1544963

Greaves, L., Poole, N., Brabete, A. C., Hemsing, N., Stinson, J., et Wolfson, L. (2020). Integrating sex and gender informed evidence into your practices: Ten key questions on sex, gender. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2020/05/CEWH-02-IGH-Handbook-Web.pdf

Johnston, G. (2020). The Kids Are All White: Examining Race and Representation in News Media Coverage of Opioid Overdose Deaths in Canada. Sociological Inquiry (90), pp. 123–146.

Mazure, C.M., et Fiellin, D.A., 2018. Mothering and opioids: something different is happening here. The Lancet (392), 9–11.

Nathoo, T., Poole, N., Wolfson, L., Schmidt, R., Hemsing, N., et Gelb, K. (2018). Doorways to conversation: Brief intervention on substance use with girls and women. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2018/06/Doorways_ENGLISH_July-18-2018_online-version.pdf

PACIRA. (2017). United States for non-dependence: An analysis of the impact of opioid overprescribing in America. https://www.planagainstpain.com/wp-content/uploads/2017/09/PlanAgainstPain_USND.pdf

Poole, N., et Greaves, L. (2020). Analyse comparative entre les sexes et les genres. Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances. https://www.ccsa.ca/fr/analyse-comparative-entre-les-sexes-et-les-genres

Regitz‐Zagrosek, V. (2012). Sex and gender differences in health: Science & Society Series on Sex and Science. EMBO Reports, 13(7), 596–603.

Schmidt, R., Poole, N., Greaves, L., et Hemsing, N. (2018). New terrain: Tools to integrate trauma and gender informed responses into substance use practice and policy. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2018/06/NewTerrain_FinalOnlinePDF.pdf

Schmidt, R. A., Wolfson, L., Stinson, J., Poole, N., et Greaves, L. (2019). Mothering and opioids: Addressing stigma and acting collaboratively. http://bccewh.bc.ca/wp-content/uploads/2019/11/CEWH-03-MO-Toolkit_WEB_Update-F.pdf