Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce thème, l’étudiant devrait être capable de :

  • Décrire et définir la notion de sécurité culturelle et les termes qui y sont associés.
  • Expliquer en quoi un espace accueillant et culturellement sécuritaire favorise l’établissement de relations thérapeutiques basées sur la confiance et la compassion avec les personnes qui font l’usage de substances et leurs familles.
  • Expliquer comment les pratiques qui soutiennent la sécurité culturelle favorisent la confiance et la compassion.

Concepts clés

  • La sécurité culturelle est une approche qui vise à perturber les pratiques stigmatisantes qui reproduisent un climat oppressif de prestation de soins.
  • La sécurité culturelle repose sur un continuum de soins impliquant les concepts connexes de conscience culturelle, de sensibilité culturelle et de compétence culturelle.
  • La pratique culturellement sécuritaire est reconnue pour entraîner des expériences positives et équitables chez les personnes en recherche d’aide.

Qu’est-ce que la sécurité culturelle?

L’expression sécurité culturelle est souvent utilisée de manière interchangeable avec des concepts connexes, tels que :

  • la conscience culturelle;
  • la sensibilité culturelle; et
  • la compétence culturelle.

Or, de légères différences séparent les définitions de ces concepts; nous les aborderons ci-dessous. Ces concepts ne sont pas interchangeables; il faut préférablement les considérer comme des éléments d’un continuum de soins où la sécurité culturelle est l’objectif visé (Wabano Centre for Aboriginal Health, 2014).

Continuum of Care

Continuum of care goes from A. cultural awareness to B. cultural sensitivity to C. Cultural competence to D. Cultural safety.
  • Ce continuum commence par la conscience culturelle, soit essentiellement la reconnaissance de la différence.
  • La prochaine étape du continuum est axée sur le respect de cette différence, soit la sensibilité culturelle.
  • À partir de là, l’attention est centrée sur les compétences et les attitudes du prestataire de services; il s’agit de la compétence culturelle.
  • La sécurité culturelle regroupe les compétences des étapes précédentes, auxquelles s’ajoute un élément d’autoréflexion pour le prestataire de services; elle consiste en une « [Traduction] ... analyse des déséquilibres de pouvoirs, de la discrimination institutionnelle, de la colonisation et des relations coloniales, tels qu’appliqués aux soins de santé », de sorte que le pouvoir se négocie et que les services sont axés sur le client, en plus de définir les résultats souhaités (National Aboriginal Health Organization, 2009, p. 1).

Selon cette approche, l’autoréflexion du professionnel de la santé et des services sociaux engendre de l’empathie et une plus grande défense des intérêts du client, ce qui a pour effet d’améliorer les résultats pour la santé. Pour entamer leur autoréflexion, les prestataires de services doivent d’abord reconnaître leur propre vision du monde.

Ce processus les force à se tourner vers eux-mêmes et à analyser l’effet positif ou négatif de leur propre perspective sur la prestation des soins, ce qui favorise une meilleure compréhension de la personne qui reçoit ces soins. Nous nous attarderons ensuite à la conscience culturelle, à la sensibilité culturelle, à la compétence culturelle et à la sécurité culturelle comme éléments du spectre, mais aussi à l’application de ces éléments dans la prestation des soins.

Conscience culturelle

La conscience culturelle commence par la compréhension de cultures autres que la sienne et, plus particulièrement dans ces modules, de la culture de l’usage de substances. On peut améliorer sa conscience culturelle en prenant le temps de s’informer à propos d’autres cultures ou de cultures qui reçoivent des soins dans le contexte d’usage ou de mauvais usage de substances.

Icon of dream catcher.

Pour les prestataires qui travaillent auprès des peuples autochtones, il serait important de s’informer des identités autochtones, de l’histoire canadienne et des effets de la colonisation, des déterminants sociaux de la santé et de la discrimination liée à la race et au genre, mais aussi de comprendre le rôle de l’entrecroisement de ces éléments dans l’usage de substances.

À cette étape du continuum de sécurité culturelle, les prestataires de soins de santé et de services sociaux doivent porter une attention minutieuse à leurs valeurs et à leurs comportements, et comprendre que ceux-ci peuvent différer des valeurs et des croyances de leurs clients.

Healthcare professional shakes the patient's hand and talks to the patient to comfort him.

Puisque l’identité culturelle peut être complexe, voici des exemples de questions préliminaires à poser :

  • Aimeriez-vous partager certaines préoccupations ou observations?
  • De quoi avez-vous besoin?
  • Aimeriez-vous qu’une autre personne soi présente?
  • Qu’est-ce que je pourrais faire pour que vous soyez plus à l’aise ici?

Ces formulations permettent aux personnes de réclamer des pratiques différentes que celles ancrées dans la vision du monde dominante qui leur sont offertes..

Sensibilité culturelle

La sensibilité culturelle dans les soins de santé se définit comme la propension d’un prestataire à être « [Traduction] ... sensible aux différences entre ses propres valeurs et perceptions liées aux soins de santé et celles des membres d’une autre communauté » (Goicoechea-Balbona, 1997).

L’établissement d’une sensibilité culturelle où la différence est saluée et célébrée passe nécessairement par un changement d’attitude du prestataire de soins de santé et de services sociaux. L’inclusion se reflète dans les milieux de soins de santé et de services sociaux qui reconnaissent et célèbrent les cultures différentes de celle du prestataire : des endroits où tous se sentent acceptés et bienvenus.

Ceci peut se faire en :

  • évitant de saturer un espace public d’artéfacts religieux représentant une même vision du monde;
  • incluant les personnes qui parlent d’autres langues; et
  • s’adaptant aux capacités différentes.

Sutton (2000) suggère d’étendre la sensibilité culturelle aux espaces physiques, comme les salles d’attente, car celle-ci pourrait avoir une incidence sur la réponse des clients aux services médicaux.

Salles d’attente

  • Les personnes qui entreprennent un programme de traitement ou envisagent de le faire (ce qui peut être une expérience anxiogène) pourraient apprécier la présence de couleurs réconfortantes, de meubles confortables et d’éclairage tamisé.
  • Les salles d’attente paisibles risquent moins de troubler les personnes qui présentent des symptômes physiques et psychologiques de sevrage (Shah et Huecker, 2019).
  • Il est essentiel de veiller à ce que les personnes qui attendent aient accès à une salle de bain.

Accommodements

  • Temps – Les prestataires de soins de santé et de services sociaux doivent comprendre que certaines cultures peuvent avoir une autre conception du temps. Ce phénomène peut avoir des répercussions sur la planification de rendez-vous; les discussions entourant les retards ou absences aux rendez-vous devraient s’articuler autour du concept, de sorte à éviter de présumer d’une vision du monde dominante en matière de temps.
  • Navigation dans le système – Il est recommandé de mettre un intervenant-pivot (« navigateur ») à la disposition des personnes ayant des difficultés sur le plan linguistique, mental ou de la littératie en santé.
  • Espace – En milieu hospitalier, des chapelles servent habituellement d’espace calme aux clients qui souhaitent se recueillir. Il ne faut toutefois pas supposer que cette mesure convient ou suffit aux personnes de toutes les cultures. En pratique, la sensibilité culturelle implique de s’informer des besoins particuliers d’une personne.
  • Pratiques culturelles – La purification par la fumée est une pratique culturelle de certains peuples autochtones; elle consiste habituellement à prier et à faire brûler des remèdes sacrés (sauge, cèdre, foin d’odeur) (Robinson, 2018). Les soins de santé culturellement sensibles passent par l’acceptation de cette pratique, qui pourrait engendrer des tâches comme l’arrêt temporaire des détecteurs de fumée automatiques.

Compétence culturelle

La compétence culturelle se définit généralement comme « [Traduction] ... la capacité à comprendre les personnes d’une culture ou d’un système de croyances différent du nôtre, à les apprécier et à interagir avec elles » (DeAngelis, 2015, p. 64).

Les prestataires de soins de santé et de services sociaux culturellement compétents ont les connaissances et les aptitudes nécessaires pour répondre aux enjeux socioculturels s’inscrivant dans les consultations cliniques. La compétence culturelle requiert une attitude d’ouverture et une volonté à :

  • écouter;
  • apprendre;
  • collaborer; et
  • négocier (Fahlberg, Foronda et Baptiste, 2016).

Lorsqu’un tel changement d’attitude se produit, les auteurs l’appellent parfois humilité culturelle.

Pour devenir culturellement compétent, il faut notamment :

  • Comprendre le rôle central de la culture dans la vie de tous et son incidence sur les comportements.
  • Respecter et accepter les différences culturelles.
  • Apprendre à recourir efficacement à des pratiques culturellement adaptées.
  • Prendre de plus en plus conscience de ses propres influences culturelles et de ses propres préjugés (Hark et al., 2009; Purnell, 2012).

Il est reconnu que les prestataires de soins de santé et de services sociaux qui s’efforcent d’être culturellement compétents ou de pratiquer l’humilité culturelle auprès des personnes qu’ils traitent ont un impact considérable et positif sur celles-ci.

Evidence icon.
  • Des études ont associé une compétence culturelle accrue des prestataires à une satisfaction accrue des clients (Castro et Ruiz, 2009; Paez et al., 2009), à une meilleure adhésion au traitement et à un plus grand respect de celui-ci (Smedley et al., 2003), ainsi qu’à une plus grande demande et partage d’information avec des prestataires (Safran et al., 1998).
  • Sutton (2000) a proposé une autoévaluation de la compétence culturelle aux médecins, qui tient compte de l’environnement physique, de la communication, des valeurs et des attitudes (ci-dessous).
  • L’autoévaluation vise à cibler les aspects qui, s’ils font l’objet d’une amélioration, peuvent en retour améliorer la qualité des services fournis à divers groupes culturels.
  • Bien qu’axés sur les médecins, les aspects soulignés par Sutton (2000) s’appliquent à tout prestataire de soins de santé et de services sociaux qui travaille dans le domaine des troubles liés à l’usage de substances.

Sécurité culturelle

Définition

Espace culturellement sécuritaire
Un espace culturellement sécuritaire est un milieu où les gens se sentent rassurés, soutenus et libres de puiser leurs forces dans leur identité, leur culture et leur collectivité (Australian Human Rights Commission, 2011).

Les prestataires de soins de santé et de services sociaux devraient vérifier régulièrement leurs propres suppositions. Ils doivent s’assurer que leurs interactions sont empreintes d’empathie et de compassion, une approche qui se reflète dans leur ton et le degré de participation des clients aux décisions qui influencent leur rétablissement.

Le rôle du pouvoir

La reconnaissance du pouvoir détenu par les prestataires de soins de santé et de services sociaux est l’élément qui distingue la sécurité culturelle des trois phases précédentes (conscience culturelle, sensibilité culturelle et compétence culturelle) (Laverty et al., 2017).

  • À cette étape, les professionnels doivent réfléchir aux déséquilibres de pouvoir interpersonnels (le leur et celui de la personne traitée) et au rôle de ce pouvoir dans les divers contextes de soins (admission, objectifs de traitement, plans de soins et congé, si le traitement est effectué à l’hôpital).
  • Les prestataires de soins de santé et de services sociaux culturellement sécuritaires sont invités à « [Traduction] ... étudier les sources de répression et de domination sociale, ainsi que des variables structurelles, comme la classe et le pouvoir » (Doutrich et al., 2012, p. 144), mais aussi « [Traduction] ... la justice sociale, l’équité et le respect » (McGough et al., 2017, p. 1).

La mise en place d’un espace culturellement sécuritaire favorise l’établissement de relations thérapeutiques empreintes de confiance et de compassion, avec les personnes qui font l’usage d’opioïdes ou qui ont un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes et leurs proches.

Questions

Qu’est-ce que la sécurité culturelle?


Parmi les énoncés suivants à propos de la sécurité culturelle, lesquels sont vrais? (Choisissez toutes les réponses qui s’appliquent.)


Parmi les énoncés suivants, lequel reflète un environnement culturellement sécuritaire?


Pourquoi la sécurité culturelle est-elle importante?


Références

Anishnawbe Health Toronto. (2011). Aboriginal cultural safety initiative. https://www.aht.ca/aboriginal-culture-safety

Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada. (2009). Cultural competence & cultural safety in First Nations, Inuit and Métis nursing education: An integrated review of the literature.

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