À la fin de ce sujet, l’étudiant devrait être capable de :
DÉFINITION
La stigmatisation peut toucher des individus ou des groupes et concerner des différences liées à la santé (p. ex., spécifique à une maladie) ou non (p. ex., pauvreté, race, genre, âge, identité de genre, orientation sexuelle, statut de migrant), qu’elles soient réelles ou perçues.
Des études démontrent que plus le trouble fait l’objet d’une stigmatisation, comme c’est le cas des troubles liés à l’utilisation de substances, plus la personne se stigmatise elle-même.
Corrigan et O’Shaughnessy (2007) ont relevé trois types de stigmatisation dans leur article Changing Mental Illness Stigma as It Exists in the Real World :
Stigmatisation que les individus et les consommateurs dirigent vers eux-mêmes, ce qui peut les empêcher de demander l’aide de leur famille, de leurs pairs et de professionnels.
Stigmatisation d’un groupe par le grand public, constatée tôt dans la vie (Byrne, 2000). Les préjugés envers les personnes atteintes d’un trouble de santé mentale s’infiltrent dans la plupart des milieux sociaux et contribuent à l’exclusion de manière tant subtile que flagrante.
Stigmatisation inhérente aux politiques des institutions privées et publiques, qui restreignent les possibilités des personnes souffrant d’un trouble de santé mentale. Cette stigmatisation se manifeste sous la forme de préjugés, d’une attitude d’évitement, d’inconfort et de discrimination.
La stigmatisation en santé se définit comme « [Traduction] une perte de statut ou une discrimination alimentée par des attitudes et des stéréotypes négatifs basés sur des problèmes de santé » (Link et Phelan, 2001).
Les personnes ayant besoin de traitement en lien avec l’usage de substances sont vulnérables et peuvent être la cible de deux types de stigmatisation : stigmatisation réelle et stigmatisation perçue.
La stigmatisation réelle se rapporte au « [Traduction]... rejet et à la discrimination explicites, et pourrait comprendre le refus au logement et aux services médicaux, l’isolement social et les agressions verbales et physiques » (Stringer et Baker, 2018).
Comme exemple extrême, prenez le temps de lire l’article ci-dessous (en anglais seulement) sur la mort tragique de Brian Sinclair. L’auteur y relate les événements qui ont mené à son décès et parle de l’enquête et des recommandations subséquentes. Brian Sinclair est décédé après avoir attendu 34 heures dans un hôpital du Manitoba. Out of Sight
La stigmatisation perçue est un « [Traduction]... concept multidimensionnel qui englobe des sentiments de honte ou d’humiliation liés au fait d’être atteint d’un trouble de santé stigmatisé et à l’anticipation, voire la peur d’être victime de stigmatisation sociale » (Stringer et Baker, 2018).
Le vocabulaire a la capacité d’alimenter la stigmatisation, comme l’ont souligné Kelly et al. (2010) dans une étude menée auprès de 314 personnes quant à leurs perceptions des utilisateurs de drogues. Les participants ont répondu à une enquête en 35 points portant sur la comparaison entre deux expressions : abuseur de substances et avoir un trouble lié à l’abus de substances.
Les auteurs d’une étude menée par la Recovery Research Institute se sont penchés sur la perception des participants vis-à-vis deux personnes qui « utilisent activement des drogues et de l’alcool ».
Aucune autre information n’était donnée à propos de ces personnages fictifs.
LES AUTEURS ONT CONSTATÉ QUE LES PARTICIPANTS AVAIENT CES PERCEPTIONS DE LA PERSONNE « ABUSEUSE DE SUBSTANCES » :
(Recovery Research Institute, n.d.)
Les femmes aux prises avec une dépendance ont une expérience de la stigmatisation différente de celle des hommes (Le réseau canadien pour la santé des femmes, 2009). Ce phénomène est en partie dû au fait que les femmes qui utilisent des drogues « [Traduction]... ne se conforment pas aux normes socialement définies de comportement féminin [et font] l’objet de sanctions pour leurs transgressions, y compris la vision selon laquelle les utilisatrices sont malpropres, masculines et sexuellement disponibles » (Stringer et Baker, 2018).
Dans la vidéo suivante, Kirsty Prasad parle de genre et de dépendance, mais aussi de ce qui caractérise l’usage de substances chez les femmes et des obstacles qu’elles rencontrent. Cette présentation a été parrainée par l’Alberta Health Services. Veuillez visionner la présentation ci-dessous.
Au-delà de la stigmatisation liée à l’usage de substances, les personnes de toute identité de genre atteintes de troubles liés à l’utilisation de substances font face à de la stigmatisation liée aux entrecroisements avec d’autres enjeux auxquels elles font face, dont :
L’approche intersectionnelle vise à comprendre l’expérience d’une personne au moyen des trois cercles illustrés ci-dessous dans la roue de l’intersectionnalité.
Cercle intérieur
Cercle extérieur
Hors de la roue
L’intersectionnalité peut servir de cadre contextuel pour l’analyse et la compréhension des nombreuses influences sur les expériences personnelles d’usage d’opioïdes et les possibilités d’obtenir de l’aide. Comme illustré ci-dessous, les systèmes qui façonnent ces expériences ne peuvent être considérées individuellement/séparément, même si c’est souvent le cas.
Morgan (1996) suggère un modèle intersectionnel pour mieux repérer et confronter la stigmatisation liée aux genres, se basant sur la prémisse que cette stigmatisation émane de plusieurs secteurs en même temps. Ce concept a vu le jour durant la « deuxième vague féministe » et souligne l‘entrecroisement des notions de genre, de sexe, de race, de classe et de handicap.
Les approches qui réussissent le mieux à freiner la stigmatisation comportent plusieurs volets concomitants et impliquent plusieurs niveaux de mobilisation, des prestataires de soins de santé et de services sociaux aux facteurs structurels, comme les politiques, les mesures sociales et les initiatives en matière de justice visant à modifier les pratiques qui stigmatisent les groupes vulnérables de la société.
Le modèle des voies de la stigmatisation menant aux résultats de santé (Stangl et al., 2019) fournit une description visuelle du processus de stigmatisation alors qu’il s’étend à l’ensemble de la collectivité et des domaines de la santé (voir ci-dessous). Il rend visible le fait que la stigmatisation est fluide et bien ancrée dans les sphères personnelles, interpersonnelles, organisationnelles, communautaires et d’ordre public. Il faut déployer les efforts de réduction de la stigmatisation dans chacun de ces domaine.
Il est possible de retracer les voies de la stigmatisation jusqu’à :
Tous ces éléments alimentent les résultats pour les populations touchées, tels que :
Les principaux domaines d’intervention se situent aux échelles individuelle, interpersonnelle, institutionnelle et populationnelle.
Source : Agence de la santé publique du Canada (2019). Lutte contre la stigmatisation : vers un système de santé plus inclusif. Rapport de l’administratrice en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada, 2019. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/publications/rapports-etat-sante-publique-canada-administrateur-chef-sante-publique/lutte-contre-stigmatisation-vers-systeme-sante-plus-inclusif.html.
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