À la fin de ce sujet, l’étudiant devrait être capable de :
L’approche occidentale conventionnelle de la médecine, ou approche biomédicale, consiste au diagnostic d’un état pathologique en fonction de critères établis (p. ex., Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ou DSM), puis au traitement de cet état pour le corriger.
Les approches de traitement des troubles liés à l’utilisation d’opioïdes sont ancrées dans ce même paradigme occidental. Ce paradigme fait appel à des valeurs qui ne concordent pas avec les croyances autochtones, par exemple :
Une approche holistique est souvent absente du système biomédical. Une approche holistique considère le bien-être de la personne au-delà des dimensions physiques et psychologiques, et intègre des facteurs émotionnels, spirituels, communautaires et d’autres natures à ce bien-être (Lavallee et Poole, 2010).
Les méthodes autochtones, quant à elles, préconisent une approche holistique et communautaire qui reconnaît le pouvoir de guérison des liens avec les autres et avec la terre (Régie de la santé des Premières nations, s.d.).
Les pratiques et interventions culturelles s’appuient effectivement sur une approche holistique et peuvent combler les lacunes des traitements issus de l’approche biomédicale (Leyland et al., 2016).
Nombre de professionnels de la santé en savent peu sur les interventions culturelles, leur rôle et leur efficacité, et ignorent comment celles-ci peuvent compléter les traitements biomédicaux. Bien des programmes de formation en santé offrent peu d’information sur de telles pratiques et d’occasions d’en discuter (Linklater, 2014).
Pour souligner les différences entre les approches occidentale et autochtone, voici quelques méthodes adoptées par les peuples autochtones :
Le jeûne intermittent, soit le contrôle des heures de repas pour une période limitée, pourrait constituer une intervention comportementale non invasive visant à favoriser des changements neuroplastiques sains (Sibille et al., 2016).
L’usage chronique d’opioïdes pour soulager les symptômes de douleur comporte le risque de développer un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes, car elle peut entraîner des changements neurobiologiques. Ces changements neuroplastiques/neurobiologiques pourraient expliquer pourquoi la douleur devient chronique chez certaines personnes. Les effets du jeûne sur l’usage d’opioïdes et les troubles qui y sont liés n’ont pas encore fait l’objet d’un examen approfondi; cependant, ses bienfaits sur la douleur chronique pourraient aider à atténuer la dépendance aux opioïdes.
Les longs jeûnes qui limitent l’ingestion d’aliments solides sont depuis longtemps pratiqués tout autour du monde. Les périodes de jeûne volontaire sont courantes dans plusieurs pratiques religieuses et culturelles, car celui-ci est vu comme une façon d’augmenter la vigilance mentale et spirituelle. Le jeûne est une pratique religieuse pour les musulmans de partout dans le monde, et fait partie des cérémonies de nombreuses communautés des Premières Nations depuis des millénaires (Anishnawbe Health Toronto, 2011).
Des essais cliniques où l’apport en calories était restreint de 200 à 500 kcal/jour pour une période d’une à trois semaines ont été menés pour le traitement :
Un traitement par jeûne modifié sous supervision médicale pourrait avoir des effets positifs, l’histoire de l’évolution humaine comptant des périodes de famine dues au manque de nourriture. La science ne sait toujours pas exactement quels mécanismes physiologiques ont évolué pour permettre à l’humain de supporter des périodes prolongées de jeûne.
Chez certains peuples autochtones, la tente de sudation est une tradition qui consiste à se soumettre à une expérience similaire au sauna à l’intérieur d’une habitation en forme de dôme. « [Traduction] La cérémonie de la tente de sudation sert de réunion spirituelle avec le créateur et de connexion respectueuse à la terre elle-même, mais vise tout autant à éliminer les toxines du corps physique. » (Filice, 2017).
Huffman, L. Sweat lodge, Sioux Village / L. A. Huffman, Miles City, Montana [Image en ligne]. Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SweatLodge.jpg.
James Mahan/iStock
Il est souligné que ces approches engendrent :
« [Traduction] Tout le contenu essentiel des cérémonies de la tente de sudation a été conçu pour promouvoir le savoir et la compréhension, mais aussi pour créer un espace de guérison. Ces cérémonies sont offertes pour aider les participants à guérir de l’oppression intériorisée, qui représente l’un des effets à long terme des traumatismes intergénérationnels, ou du néocolonialisme. »
Les cérémonies de la tente de sudation ont contribué à l’ouverture au traitement. De plus, les personnes :
« [Traduction] ont la capacité de se débarrasser d’une part de l’énergie traumatique brute emprisonnée dans le corps grâce au mouvement, aux vibrations, à la sudation, aux pleurs et aux tremblements. Durant les cérémonies de suerie, de nombreux participants ont mentionné cette sensation de laisser-aller et de libération par la chaleur et la sudation. »
Garrett et ses collègues (2011) ont conclu qu’il serait :
« [Traduction] avantageux d’intégrer des pratiques traditionnelles autochtones de guérison, dont la cérémonie de la tente de sudation, à un […] ensemble de stratégies pour améliorer la santé et le bien-être des Autochtones aux prises avec un trouble lié à l’utilisation de substances. »
Les méthodes traditionnelles de guérison comme la cérémonie de la tente de sudation peuvent aider ces personnes à explorer et à régler des problèmes liés à l’identité culturelle (Garrett et al., 2011).
Les preuves de l’efficacité des pratiques culturelles commencent à émerger, en particulier pour celles utilisées en complémentarité avec des traitements biomédicaux. Une grande part de la littérature portant sur les pratiques culturelles en contexte de troubles liés à l’utilisation de substances provient d’études axées sur la consommation d’alcool; en outre, l’évaluation des pratiques culturelles a été entravée par :
Au cours d’une revue exploratoire, Rowan et ses collègues (2014) se sont penchés sur 19 études qui portaient notamment sur des programmes de traitement intégrés alliant des pratiques culturelles à la médecine occidentale.
Malgré les lacunes méthodologiques et le manque d’études axées sur les effets des pratiques culturelles sur la dépendance et les troubles de consommation, un corpus croissant de connaissances suggère que les programmes de traitement alliant des aspects de pratiques culturelles et de médecine occidentale entraînent des résultats positifs, non seulement quant au traitement de troubles liés à l’utilisation de substances, mais aussi quant à l’amélioration des indicateurs mentaux, émotionnels et spirituels.
En raison de problèmes liés au consentement éclairé, les Premières Nations ont obtenu la souveraineté de leurs données et établi les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP) afin de créer des données et des études qui respectent leurs communautés. Prenez un moment pour vous familiariser avec Les principes de PCAP des Premières Nations, leur signification, leur importance et leur mise en application.
Après avoir parcouru ce contenu, veuillez porter attention à ce qui suit :
Nommez deux raisons importantes d’intégrer des pratiques traditionnelles autochtones de guérison dans les pratiques biomédicales de soins.
Pensez à des moyens concrets et axés sur le client de les réaliser.
Allan, B., et Smylie, J. (2015). First Peoples, second class treatment: The role of racism in the health and well-being of Indigenous Peoples in Canada. Wellesley Institute. https://indigenousto.ca/wp-content/uploads/2018/10/Research_Race_1b.pdf
Anushnawbe Health Toronto. (2011). Fasting. https://www.aht.ca/images/stories/TEACHINGS/Fasting.pdf
Bowen, J., Brindal, E., James-Martin, G., et Noakes, M. (2018). Randomized trial of a high protein, partial meal replacement program with or without alternate day fasting: Similar effects on weight loss, retention status, nutritional, metabolic, and behavioral outcomes. Nutrients, 10(9), 1145.
Clark, H. W. (2003). Office-based practice and opioid-use disorders. New England Journal of Medicine, 349(10), 928-930.
Filice, M. (22 février 2017). Suerie. L’Encyclopédie canadienne. Extrait de : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/suerie
Garrett, M. T., Torres‐Rivera, E., Brubaker, M., Portman, T. A. A., Brotherton, D., West‐Olatunji, C., Conwill, W., et Grayshield, L. (2011). Crying for a vision: The Native American sweat lodge ceremony as therapeutic intervention. Journal of Counselling and Development, 89(3), 318–325. https://doi.org/10.1002/j.1556-6678.2011.tb00096.x
Hussain, J., et Cohen, M. (2018). Clinical effects of regular dry sauna bathing: a systematic review. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine: eCAM, Article 1857413. https://doi.org/10.1155/2018/1857413
Lavallee, L., et Poole, J. (2010). Beyond recovery: Colonization, health and healing for Indigenous People in Canada. International Journal of Mental Health and Addiction, 8(2), 271–281. https://doi.org/10.1007/s11469-009-9239-8. https://www.researchgate.net/publication/227108537_Beyond_Recovery_Colonization_Health_and_Healing_for_Indigenous_People_in_Canada
Leyland, A., Smylie, J., Cole, M., Kitty, D., Crowshoe, L., McKinney, V., Green, M., Funnell, S., Brascoupé, S., Dallaire, J., et Safarov, A. (2016). Health and health care implications of systemic racism on Indigenous Peoples in Canada. Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). https://portal.cfpc.ca/ResourcesDocs/uploadedFiles/Resources/_PDFs/SystemicRacism_ENG.pdf
Linklater, R. (2014). Decolonizing trauma work: Indigenous stories and strategies. Fernwood Publishing.
Marsh, T. N., Marsh, D. C., Ozawagosh, J., et Ozawagosh, F. (2018). The sweat lodge ceremony: A healing intervention for intergenerational trauma and substance use. The International Indigenous Policy Journal, 9(2). https://ojs.lib.uwo.ca/index.php/iipj/article/download/7544/6188/
Michalsen, A. (2010). Prolonged fasting as a method of mood enhancement in chronic pain syndromes: a review of clinical evidence and mechanisms. Current Pain and Headache Reports, 14(2), 80–87.
Michalsen, A., Kuhlmann, M. K., Lüdtke, R., Bäcker, M., Langhorst, J., et Dobos, G. J. (2006). Prolonged fasting in patients with chronic pain syndromes leads to late mood-enhancement not related to weight loss and fasting-induced leptin depletion. Nutritional Neuroscience, 9(5–6), 195–200.
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Sibille, K. T., Bartsch, F., Reddy, D., Fillingim, R. B., et Keil, A. (2016). Increasing neuroplasticity to bolster chronic pain treatment: A role for intermittent fasting and glucose administration? The Journal of Pain, 17(3), 275–281.