Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce sujet, l’étudiante ou l’étudiant devrait être en mesure :

  • de décrire les caractéristiques et les effets physiques et psychologiques des différents types de douleur;
  • de distinguer la douleur aiguë de la douleur chronique, palliative, neuropathique, nociceptive, émotionnelle et spirituelle;
  • de décrire les effets physiques et psychologiques des différents types de douleur.

Concepts clés

  • La douleur est un phénomène très courant et représente jusqu’à 78 % des visites aux services d’urgence au Canada chaque année.
  • La douleur et les souffrances connexes représentent d’importants défis économiques, sociaux et sanitaires dans la société canadienne, en plus d’accroître les coûts des soins de santé, de nuire aux relations sociales, de réduire la productivité en milieu de travail et d’augmenter le nombre de compensations financières.
  • Une douleur qui n’est pas traitée de façon appropriée peut mener à des résultats nocifs sur les plans physique, psychologique et social.
  • Comme l’expérience de la douleur varie d’une personne à l’autre, le traitement devrait s’adapter au type et au niveau de douleur subis par chacun.
  • L’utilisation adéquate d’échelles de douleur validées atténue le risque de sous-traitement et aide les personnes qui souffrent à obtenir de meilleurs résultats.
  • Certains facteurs sociaux peuvent avoir un effet positif sur la résilience et la douleur chronique (Sturgeon et Zautra, 2016).

Nature de la douleur et gestion de la douleur

La douleur est l’un des symptômes les plus souvent mentionnés par les personnes en quête de soins de santé. L’expérience de la douleur varie selon les personnes et une multitude de facteurs personnels, physiques, psychologiques et sociaux.

Doctor holding patient's hand.

Une gestion efficace de la douleur nécessite une évaluation complète, personnalisée et répétée afin de définir la source, la nature et l’expérience de cette douleur.

  • Les opioïdes jouent un rôle dans le traitement de la douleur aiguë et chronique, mais les praticiens et les personnes qui font usage d’opioïdes devraient connaître les risques engendrés par leur prescription.
  • Les praticiens doivent surveiller l’utilisation d’opioïdes pour soulager la douleur afin de s’assurer de la sécurité et de l’efficacité du traitement.

Douleur aiguë versus douleur chronique

Douleur aiguë

Qualité des services de santé Ontario (2018, p. 3) décrit la douleur aiguë comme étant « ...habituellement une réaction prévue et normale à une chirurgie, une maladie aiguë, un traumatisme ou une autre blessure. L’apparition de la douleur est subite et elle se résorbe par elle-même généralement des heures, des jours ou un mois après l’événement déclencheur. La durée de la douleur aiguë est associée à un temps de guérison normal. » (p. 3).

Woman laying on bed, head in her hands, looking like she is in pain.

Apparition

En général, son apparition est soudaine, localisée et d’une durée de quelques minutes à plusieurs mois. Elle peut s’accompagner d’une réaction physiologique, comme des sueurs, une tachycardie, une pression artérielle élevée ou de la pâleur.

Causes

Les blessures, les chirurgies, les interventions dentaires, l’infarctus du myocarde, les contractions et l’appendicite comptent parmi les causes de douleur aiguë.

Traitement

La douleur aiguë répond habituellement au traitement. Elle peut entraîner une invalidité de courte durée, qui se limite généralement à la durée de la douleur. Une douleur aiguë mal gérée peut se transformer en douleur chronique.

Douleur chronique (non cancéreuse) ou douleur persistante

Définition

Douleur chronique non cancéreuse
Douleur qui habituellement persiste ou se répète pendant plus de 3 mois ou après le point de guérison normal des tissus. (The Centre for Effective Practice, 2018a, p. 1)

L’Organisation mondiale de la Santé a récemment reconnu la douleur chronique comme une maladie (International Association for the Study of Pain, 2019). La douleur chronique est souvent accompagnée de divers troubles, p. ex. :

Silhouette of woman standing in front of window, holding the bridge of her nose.
  • la colère;
  • l’anxiété;
  • la dépression;
  • les troubles du sommeil;
  • la frustration;
  • différents degrés de handicap fonctionnel.

La douleur chronique peut nuire aux relations sociales et familiales.

Voici comment elle peut se manifester :

  • une apparition progressive et une longue durée;
  • des épisodes récurrents de douleur se prolongeant au-delà de trois à six mois;
  • une douleur issue d’une blessure grave qui persiste au-delà du point de guérison normal;
  • une douleur accompagnant une blessure qui ne guérit pas;
  • une douleur chronique découlant d’une douleur aiguë mal traitée.

Causes

La douleur chronique n’est pas liée à un diagnostic de cancer. Les causes de douleur chronique comprennent notamment :

  • l’arthrite;
  • une foulure musculaire (par exemple, douleur lombaire);
  • la lésion d’un nerf périphérique (neuropathie).

Cancer et douleur de fin de vie

Douleur cancéreuse

Sick senior with a hand on a forehead lying on a sofa.

La douleur cancéreuse entre dans la catégorie des douleurs chroniques secondaires. Cette catégorie comprend la douleur chronique associée à des problèmes de santé particuliers, comme le cancer, le diabète, etc.

La douleur peut être liée au cancer ou son traitement (p. ex., lésion d’un nerf périphérique causé par la pharmacothérapie, ulcération cutanée ou fibrose causée par le rayonnement). La douleur chronique peut être une conséquence grave de la survie au cancer ou à son traitement.

Douleur dans le cadre de soins palliatifs

Définition

Soins palliatifs
Une approche qui améliore la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille qui affrontent des défis liés à une affection qui met la vie du malade en danger. (Organisation mondiale de la Santé, 2020, p. 1).

Le soulagement de la douleur est un objectif du traitement. Les soins palliatifs préviennent et soulagent la souffrance par la détection précoce, l’évaluation et le traitement de la douleur et d’autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels.

  • Les opioïdes sont recommandés pour le soulagement de la douleur chronique et sévère, souvent en combinaison avec d’autres traitements non opioïdes.
  • Une approche collective est souvent nécessaire pour la prise en charge de la douleur en fin de vie.

Types de douleur physiologique

Tableau 1 : Types de douleur physiologique
Douleur nociceptive Douleur neuropathique
Douleur somatique Douleur viscérale
Provient du système musculosquelettique Irritation, douleur sourde, élancement, sensibilité Exemples : fracture, douleur postopératoire, infectionn
Émane des organes viscéraux, comme le tractus gastro-intestinal et le pancréas Parfois diffuse et difficile à localiser; souvent liée à un site distant Exemple : pancréatite
Lésion dans le système nerveux central ou périphérique Peut suivre le trajet d’un nerf ou être faiblement diffuse Exemple : douleur du membre fantôme, syndrome douloureux régional complexe

Douleur neuropathique

La douleur neuropathique émane d’une perturbation ou d’un changement pathologique dans un nerf.

Cette sensation de brûlure est causée par l’irritation ou la lésion d’un nerf.

Douleur nociceptive

La douleur nociceptive découle d’une irritation mécanique, chimique ou thermale des nerfs sensitifs périphériques, par exemple, à la suite d’une chirurgie, d’un traumatisme ou d’une maladie dégénérative (Goucke, 2003). La douleur viscérale et la douleur somatique sont des types de douleur nociceptive. La douleur viscérale provient des organes et la douleur somatique, des structures externes (Sikandar et Dickenson, 2012).

Brain icon

Douleur centrale

  • La douleur centrale provient d’une lésion au niveau du système nerveux central.
  • Elle peut découler d’un accident vasculaire cérébral, de la sclérose en plaques, d’un traumatisme à la moelle épinière, de la maladie de Parkinson et d’autres lésions ou affections.
Joint icon

Douleur somatique

  • La douleur somatique émane des muscles squelettiques, des ligaments ou des articulations.
  • Exemples : douleur articulaire causée par l’arthrite, fracture, foulure musculaire, coupure, brûlure au deuxième ou au troisième degré, cancer des os ou de la peau.
Skin icon

Douleur superficielle

  • La douleur superficielle provient des membranes cutanées ou muqueuses à la suite, par exemple, de blessures ou de brûlures mineures.
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Douleur vasculaire

  • La douleur vasculaire découle d’une lésion du système vasculaire, qui interrompt la circulation sanguine vers les tissus, les organes ou les nerfs. Les sensations d’engourdissement, de fourmillement, de douleur ou de lourdeur dans un membre comptent parmi ses symptômes.

Autres types de douleur

Douleur spirituelle

La souffrance fréquemment subie par les personnes atteintes d’une maladie grave ou qui met la vie du malade en en danger ainsi que par leur famille peut être de type spirituel.

  • L’incapacité à gérer cliniquement la douleur physique peut découler en partie de besoins émotionnels et spirituels.

Douleur émotionnelle

Définition

Douleur émotionnelle
Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion potentielle ou réelle des tissus (groupe de travail de l’International Association for the Study of Pain, 2019).
Silhouette of man sitting at the foot of his bed, head in his hands, looking depressed.

Certains facteurs psychologiques et sociaux (culture et expériences vécues), certains états émotionnels et cognitifs, ainsi que les circonstances entourant l’apparition de la douleur (traumatisme, blessure, violence) peuvent intensifier le signal de douleur dans le système nerveux avant même que le cerveau le reçoive.

Les personnes qui souffrent de douleur chronique ont un risque élevé de dépression et d’idéation suicidaire.

REMARQUE : Dans la société et parmi les prestataires de soins de santé et de services sociaux, la douleur chronique fait l’objet d’une stigmatisation marquée. Cette stigmatisation peut amener la personne souffrant de douleur chronique à se sentir dévalorisée ou inférieure, coupable ou invalidée.

Évaluation de la douleur

L’expérience de la douleur est un phénomène personnel, multidimensionnel, subjectif, émotionnel et physique qui varie d’une personne à l’autre. Divers facteurs influencent chaque expérience de la douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique.

Des facteurs sociaux peuvent influencer son évaluation. En effet, des normes, des croyances et des préjugés entourant la douleur peuvent entraîner le sous-diagnostic et le sous-traitement de celle-ci. La douleur est parfois considérée comme un aspect normal de la vie. Certains pourraient croire que l’expérience de la douleur diffère en fonction du genre ou du sexe. L’expression de la douleur ou la demande d’un traitement pourrait être considérée comme un comportement aberrant ou toxicophile chez les personnes ayant un trouble perçu ou réel lié à l’usage de substances.

L’évaluation de la douleur nécessite un relevé complet des antécédents qui englobe les expériences passées et présentes de la douleur, ainsi que ces éléments :

  • problèmes de santé antérieurs et actuels;
  • statut social et état fonctionnel;
  • relations;
  • sommeil;
  • niveau d’activité;
  • nutrition.

Échelles de la douleur

Les échelles de la douleur sont des outils d’évaluation des aspects de la douleur, notamment l’intensité, la qualité, le site et l’interférence. Les échelles de la douleur sont unidimensionnelles (intensité) ou multidimensionnelles, et comprennent l’évaluation de l’état fonctionnel et du statut social afin de mesurer l’interférence de la douleur avec la qualité de vie de la personne.

Image of pain scale from 0 (no pain) to 10 (unspeakable).

L’intensité de la douleur peut être mesurée à l’aide d’échelles numériques validées. Bien que ce type d’évaluation ait ses limites, il peut s’avérer utile pour évaluer la douleur aiguë et la réponse à l’analgésie ou à d’autres interventions. Voici des exemples d’échelle numérique validée :

  • Une évaluation multidimensionnelle et holistique de l’expérience de la douleur requiert un outil validé qui comprend des questions quant à l’effet de la douleur sur l’état fonctionnel (travail, qualité de vie) et sur la vie quotidienne, dont les interactions sociales/familiales, le sommeil, l’alimentation, les activités du quotidien, le statut économique, la santé sexuelle et les relations.
  • Des outils comme le bref inventaire de la douleur (Brief Pain Inventory, BPI) sont recommandés pour les évaluations initiales et récurrentes, afin de mesurer tout changement à l’état fonctionnel et à l’intensité de la douleur d’une personne au fil du temps, en réponse au traitement. Même si l’intensité ne changeait pas, l’état fonctionnel le pourrait, et ce devrait être le principal but de la gestion de la douleur pour les personnes qui souffrent de douleur chronique.
  • Cependant, la répétition de tests diagnostiques peut en limiter la valeur, car la recherche de la cause peut devenir le grand objectif des soins et du traitement plutôt que l’amélioration de l’état fonctionnel et de la qualité de vie de la personne.
  • Les résultats obtenus des échelles unidimensionnelles ou multidimensionnelles de la douleur devraient être consignés dans le dossier de santé d’une personne, à l’instar des signes vitaux.
  • Des échelles de la douleur validées sont accessibles dans plusieurs langues, pour des groupes culturels définis, pour les personnes incapables de communiquer, pour les personnes atteintes d’un trouble cognitif et pour les enfants.

Tout prestataire de soins de santé et de services sociaux devrait être formé à l’utilisation d’outils diagnostiques axés sur l’évaluation de la douleur.

Pour en savoir plus sur les échelles de la douleur, voir le Module 7, Indicateur E.

Questions

Vrai ou Faux : La douleur chronique non cancéreuse est une douleur qui persiste pendant plus de 3 mois.


Selon l’OMS, quel est l’objectif de la gestion de la douleur dans le cadre de soins palliatifs?


Lequel des énoncés suivants décrit l’objectif d’une évaluation de la douleur chronique non cancéreuse à l’aide d’une échelle de la douleur? Choisissez toutes les réponses qui s’appliquent.


Références

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