Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce sujet, l’étudiante ou l’étudiant devrait être en mesure :

  • de nommer les facteurs qui influencent l’expérience de la douleur;
  • de nommer les facteurs de risque associés à l’apparition de la douleur chronique;
  • de traiter du modèle biopsychosocial de la douleur et de son influence sur la compréhension de la douleur;
  • d’énumérer les aspects sociaux, psychologiques, spirituels et physiques de la douleur;
  • de discuter de l’influence potentielle des traitements proposés sur l’expérience de la douleur.

Concepts clés

  • La douleur, plus particulièrement la douleur chronique, affecte non seulement la personne qui souffre, mais aussi sa famille et ses amis, son milieu de travail, sa communauté et la société en général. Elle peut toucher tous les aspects de la vie.
  • La façon dont la douleur est assimilée et traitée a également un effet sur la personne qui souffre et les gens de son entourage.
  • La douleur chronique est aujourd’hui reconnue comme un trouble ou une maladie unique.
  • Un Canadien sur cinq souffre de douleur chronique.
  • La douleur chronique touche davantage les adultes plus âgés, les peuples autochtones, les femmes, les anciens combattants et les personnes qui vivent de la discrimination et des inégalités sociales.
  • Bien des populations susmentionnées, ainsi que celles aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des troubles liés à l’utilisation de substances, risquent que leur douleur ne soit pas gérée ou soit sous-traitée en raison de la stigmatisation, de la peur et de l’anxiété liées à l’utilisation d’opioïdes pour gérer la douleur chronique.

Prévalence et impact de la douleur

Un Canadien sur cinq souffre de douleur chronique (Groupe de travail canadien sur la douleur, 2019). La douleur chronique est une expérience personnelle influencée par tous les aspects de la vie d’une personne et de ceux qui se soucient d’elle; elle agit à son tour sur tous ces aspects.

REMARQUE : Comme la douleur est une expérience personnelle et subjective, sa gestion doit tenir compte de l’expérience de la douleur au-delà des symptômes physiques.

Les prestataires de soins de santé et de services sociaux doivent considérer les déterminants sociaux de la santé, qui sont non seulement liés à l’expérience de la douleur, mais peuvent aussi être des obstacles ou des facilitateurs à la gestion de celle-ci.

Modèle biopsychosocial de la douleur

Le modèle biopsychosocial est une approche acceptée permettant de comprendre l’évaluation, la prévention et le traitement de la douleur chronique. Il est reconnu que la santé comprend des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, comme illustré ci-dessous.

Approche biopsychosociale d’étude de la douleur

Venn diagram with three overlapping circles: biology, psychology, social context. Health is in the middle.

Biologie

  • Genre
  • Maladie physique
  • Incapacité
  • Vulnérabilité génétique
  • Système immunitaire
  • Neurochimie
  • Réactions au stress
  • Effets des médicaments

Psychologie

  • Apprentissage/mémoire
  • Attitudes/croyances
  • Personnalité
  • Comportements
  • Émotions
  • Capacités d’adaptation
  • Traumatismes vécus

Contexte social

  • Soutiens sociaux
  • Antécédents familiaux
  • Traditions culturelles
  • Statut social/économique
  • Éducation

Ce modèle reconnaît que plusieurs facteurs biologiques, psychologiques et sociaux peuvent compliquer ou favoriser la santé d’une personne.

La douleur est considérée comme un phénomène biomédical qui dépasse l’expression neurologique de stimuli douloureux. Elle se caractérise par l’interaction complexe de facteurs physiologiques, psychologiques et sociaux qui influencent son expérience. Ainsi, la douleur est vécue différemment par chacun en raison des interactions uniques et dynamiques qui surviennent entre ces facteurs.

  • Pour évaluer l’expérience de la douleur d’une personne, il faut définir les interactions entre ces multiples facteurs. Ce processus jette les bases d’interventions visant à réduire le risque d’apparition de la douleur chronique, mais aussi à traiter cette douleur et ses conséquences.

Répercussions physiques de la douleur

Selon le modèle biopsychosocial, tous les aspects de la vie d’une personne peuvent affecter l’expérience de la douleur et être affectés par cette expérience. Par conséquent, l’expérience de douleur physique d’une personne sera tributaire de son état psychologique et ses expériences sociales.

L’impact de la douleur physique sur les facteurs psychosociaux est illustré dans les exemples qui suivent.

Brain icon

La douleur peut empêcher totalement ou partiellement une personne d’accomplir ses activités quotidiennes, comme s’habiller, se nourrir, faire sa toilette, magasiner, etc., et augmente sa dépendance envers les autres.

Joint icon

L’incapacité causée par la douleur crée un besoin d’assistance provenant des autres et des aides à la mobilité.

Skin icon

La fatigue ou l’épuisement en raison de la douleur ont un impact sur la participation sociale de la personne qui souffre.

Vascular icon

La douleur peut affecter l’excitation sexuelle, ce qui peut nuire aux relations intimes.

Répercussions sociales de la douleur

social history icon

Une personne aux prises avec de la douleur peut ressentir les effets de celle-ci sur sa vie sociale. Voici quelques exemples :

  • Isolement (des amis et des membres de la famille)
  • Perte de liens sociaux
  • Perte de soutien social
  • Diminution des activités (récréatives ou communautaires)
  • Absence de l’école ou du travail
  • Perte de productivité ou d’efficacité au travail
  • Perte de revenu
  • Changements dans les rôles sociaux importants, comme celui d’aidant ou de salarié, avec la réduction perçue des contacts sociaux ou de l’estime de soi qui l’accompagne
  • Changements dans les relations avec les amis et la famille, ou perte de contacts sociaux; participation réduite aux activités sociales ou familiales
  • Peine face à une diminution des activités, des relations et des liens sociaux

Répercussions psychologiques de la douleur

Mental Health icon

L’impact psychologique de la douleur peut se manifester de diverses manières :

Colère et irritabilité

Peur

En raison :

  • d’une dramatisation de la douleur (c.-à-d. une évaluation négative de la douleur qui présume du pire, mène à des problèmes mineurs et des dilemmes majeurs réels ou présumés)
  • d’épisodes de douleur non prévisibles
  • d’un manque d’amélioration prévisible quant à l’intensité ou à la fréquence de la douleur
  • d’une étiologie/cause de la douleur inconnue

Dépression

  • Il est estimé qu’un grand nombre des personnes souffrant de douleur chronique sont également touchées par la dépression.
  • Selon des études récentes, cette proportion atteindrait de 72 à 86 % (Sheng et al., 2017).
  • Cependant, le diagnostic de dépression chez les personnes qui souffrent de douleur chronique pose problème, car plusieurs symptômes somatiques de cette douleur (insomnie, préoccupation quant aux symptômes physiques, perte de poids) sont similaires à ceux de la dépression.

Risque accru d’automutilation ou de suicide

  • Selon les estimations, le risque de suicide est deux ou trois fois supérieur chez les personnes souffrant de douleur chronique que dans la population adulte globale.
  • Les facteurs de risque d’idéation suicidaire, de comportement suicidaire ou de suicide comprennent (Culpepper et Schreiber, 2013) :
    • tout type de douleur chronique;
    • des douleurs multiples;
    • la perception d’une mauvaise santé mentale;
    • une dramatisation de la douleur (exagération, impuissance, désespoir);
    • l’impression d’être un fardeau;
  • un sentiment d’entrave à l’appartenance;
  • la dépression;
  • l’abus d’alcool;
  • les problèmes de maîtrise de la colère;
  • le chômage ou les problèmes financiers;
  • des antécédents familiaux de suicide;
  • des troubles du sommeil.

Trouble du sommeil

Changements sur le plan cognitif

  • Ralentissement du traitement de l’information
  • Attention sélective
  • Changements sur le plan de la mémoire
  • Changements dans la fonction exécutive
    • Capacité réduite à se concentrer sur les tâches
    • Problèmes de planification, d’organisation, de hiérarchisation des priorités
    • Régulation difficile des émotions

Autres facteurs

Répercussions spirituelles et émotionnelles

Le bien-être spirituel peut être durement touché par la douleur chronique. La souffrance spirituelle est fréquemment subie par les personnes atteintes d’une maladie grave ou mettant en danger la vie du malade ainsi que par leur famille. L’incapacité à gérer cliniquement la douleur physique peut découler en partie de besoins émotionnels et spirituels non comblés.

REMARQUE : La détresse spirituelle est ressentie chez 25 % des personnes recevant un traitement pour le cancer (Schultz et al., 2017).

Définition

Détresse spirituelle
Perturbation du principe de vie qui anime l’être entier d’une personne et qui intègre et transcende sa nature biologique et psychosociale. (NANDA International, s.d.)

Une personne en détresse spirituelle peut exprimer des préoccupations quant au sens de la vie et de la mort, remettre en question le sens de la souffrance ou de sa propre existence, verbaliser un conflit intérieur quant à ses croyances, exprimer sa colère envers Dieu ou un autre être suprême (quelle qu’en soit la définition), ou rechercher activement un soutien spirituel (O’Toole, 2003).

Evidence icon
  • Lors d’une étude sur des personnes ayant un trouble lié à l’utilisation de substances, certaines ont mentionné que la sensation de somnolence découlant des opioïdes les éloignait de leurs obligations spirituelles. Ce phénomène pourrait créer un cercle vicieux où une diminution du bien-être spirituel augmente la sensation de douleur chronique et la dépendance aux opioïdes. Par contre, les personnes ayant été en mesure de gérer leur douleur chronique à l’aide d’opioïdes mentionnent une impression d’avoir respecté leurs obligations spirituelles (O’Toole, 2003).
  • Le bien-être spirituel peut aussi avoir un impact positif sur les résultats de traitement. Parmi un échantillon de 312 personnes se remettant d’un trouble de consommation d’opioïdes, celles qui présentaient un score très bas sur une échelle de bien-être spirituel étaient plus disposées à faire une rechute que celles au score élevé (O’Toole, 2003).

Dans le cadre du processus d’évaluation et de planification des interventions, les professionnels de la santé et des services sociaux doivent être conscients que des personnes souffrant de douleur chronique pourraient se sentir diminuées sur le plan spirituel, ce qui risque d’entraîner une augmentation de l’utilisation de substances et la formation d’un cercle vicieux.

Répercussions sur les familles et les sources de soutien

Family history icon

La douleur peut aussi affecter négativement les familles et les sources de soutien. Par exemple, les familles de personnes souffrant de douleur chronique et de divers degrés d’incapacité qui l’accompagne pourraient devoir assumer de nouveaux rôles, de nouvelles responsabilités et de nouvelles expériences, notamment :

  • un rôle d’aidant auquel elles ne sont pas préparées;
  • un rôle qui nécessite leur supervision ou évaluation active du traitement, ou encore leur participation au traitement;
  • des expériences de détérioration physique, de tristesse, de frustration et d’impuissance; l’impression d’être dépassé;

La vie des membres d’une famille peut être affectée par bien des aspects affectant la personne qui souffre de douleur chronique :

  • Ils peuvent subir une dépression et ressentir de l’anxiété, et présenter de mauvais mécanismes d’adaptation.
  • Les enfants de personnes souffrant de douleur chronique tendent à mal gérer leur propre expérience de la douleur, leur propre santé physique, émotionnelle ou psychologique, et le fonctionnement de leur famille.

L’évaluation et le traitement de la douleur chronique, qu’elle soit liée au cancer ou à d’autres causes, nécessitent une évaluation globale de la famille, des amis et des systèmes de soutien impliqués dans la vie du client. Les plans de traitement et de gestion devraient comprendre des interventions visant à réduire le risque de mauvais résultats, par exemple :

  • du counseling familial;
  • des interventions thérapeutiques;
  • un accès aux services de soutien communautaires.

Tout plan d’intervention devrait s’appuyer sur les forces détectées.

Questions

Quel modèle de la douleur considère le phénomène comme l’interaction complexe de plusieurs facteurs physiques, psychologiques et sociaux?


Comment la douleur peut-elle affecter le bien-être spirituel?


Vrai ou Faux : Un Canadien sur cinq souffrira de douleur chronique.


Lesquels de ces éléments reflètent l’impact de la douleur chronique sur les familles? (Choisissez toutes les réponses qui s’appliquent.)


Références

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