Objectifs d’apprentissage

À la fin de ce sujet, l’étudiante devrait être en mesure :

  • d’énumérer les facteurs qui font que certaines personnes risquent davantage de subir une surdose d’opioïdes.
  • d’expliquer comment ces facteurs de risque peuvent mener à une surdose d’opioïdes.
  • de déterminer quelles sont les interventions de réduction des risques appropriées pour chaque facteur relevé.
  • d’expliquer de quelle manière ces interventions diminuent le risque de surdose d’opioïdes.

Concepts clés

  • Comme l’injection d’opioïdes est plus susceptible de provoquer une surdose, les gens doivent éviter ou limiter l’injection de médicaments.
  • Lorsque possible, les clients devraient limiter leur consommation quotidienne d’opioïdes à 90 d’équivalents en morphine (DEM) ou moins.
  • Il est important d’utiliser un opioïde de faible puissance si possible, car plus le médicament est fort, plus le risque de surdose augmente, qu’il s’agisse d’opioïdes sur ordonnance ou non réglementés.
  • Le fait de modifier son utilisation peut accroître le risque d’erreur de médication, en particulier si l’on consomme d’autres médicaments.
  • Les clients devraient éviter de mélanger des opioïdes à d’autres dépresseurs du système nerveux central (SNC), comme l’alcool ou les benzodiazépines.
  • Une personne qui a déjà consommé des opioïdes, mais qui a observé une période d’abstinence pour quelconque raison, court un plus grand risque de surdose si elle recommence à consommer aux doses précédant cette pause.
  • La composition des opioïdes non réglementés peut varier (quantité et type). Des opioïdes ont également été découverts dans d’autres médicaments non réglementés.
  • Le risque qu’une surdose soit fatale est plus élevé chez les personnes qui utilisent des opioïdes lorsqu’elles sont seules, particulièrement les opioïdes par injection.
  • Le risque de surdose fatale est moindre lorsqu’une autre personne est présente et qu’une trousse de naloxone est à portée de main.

Doses et voies d’administration

Bien qu’on observe des variations d’une personne à l’autre et que la tolérance ait un effet sur l’apparition d’une dépression respiratoire induite par les opioïdes (DRIO), le risque de surdose dépend de la dose : plus elle est forte, plus le risque est élevé.

Il existe plusieurs voies d’administration des opioïdes :

  • injection épidurale;
  • insufflation/intranasale;
  • injection intramusculaire;
  • injection intraveineuse;
  • orale;
  • pulmonaire;
  • rectale;
  • injection sous-cutanée;
  • sublinguale/buccale;
  • application locale.

Les effets nocifs, dont la DRIO, surviennent plus souvent lorsque la voie d’administration entraîne un début d’action rapide

The faster the onset of action, the higher the risk of adverse effects. From fastest to slowest: parenteral (injection) administration;  insufflation (intranasal, snorting) and pulmonary administration; oral/ingestion; and topical

Puissance

La puissance d’un médicament indique la quantité nécessaire pour obtenir un effet spécifique. Par exemple, trois médicaments aux puissances très différentes sont employés pour soulager les migraines. Les trois fonctionnent plutôt bien, mais voici les doses administrées pour obtenir le même effet :

  • 0,5 mg du médicament A
  • 25 mg du médicament B
  • 1 500 mg du médicament C

Le médicament A est le plus puissant des trois.

La puissance des opioïdes est souvent qualifiée de puissance relative (relative à l’opioïde original, la morphine). Ces valeurs sont souvent indiquées au moyen de la dose en équivalent de morphine (DEM).

Une DRIO peut survenir à environ 200 mg de morphine (chez une personne sans tolérance aux opioïdes); ainsi, seuls quelques milligrammes de fentanyl et dizaines de microgrammes de fentanyl à puissance, comme le carfentanil, suffiraient à induire ce trouble.

substance use history icon

Hydromorphone

L’hydromorphone a une DEM de 4, ce qui signifie qu’une dose de 1 mg d’hydromorphone équivaut à 4 mg de morphine.

Fentanyl (par injection)

La puissance relative du fentanyl (par injection) est de 50 à 100, ce qui signifie qu’une dose de 1 mg de fentanyl équivaut à une dose de 50 à 100 mg de morphine.

Carfentanil

La DEM pour le carfentanil est près de 10 000. Le carfentanil n'est en aucun approuvé pour utilisation chez les humains; il est plutôt utilisé comme tranquillisant pour les gros animaux. Une dose de 1 mg de carfentanil équivaut à 10 000 mg de morphine, ce qui est bien au-delà d’une dose fatale.

Modifications apportées à l’utilisation d’opioïdes

Lorsque le régime posologique d’un opioïde sur ordonnance change, il y a toujours une petite possibilité qu’une erreur de médication soit commise ou que le patient comprenne mal le nouveau régime. Les prescripteurs, pharmaciens et autres professionnels de la santé, ainsi que les patients, doivent être vigilants afin de s’assurer :

  • que les calculs de la dose équivalente de morphine quotidienne sont exacts;
  • que le nouveau programme et la nouvelle dose (pour les changements de dose) sont appropriés;
  • que le nouveau programme et la nouvelle dose (pour les changements de produits ou de types de dose) sont appropriés;
  • que les raisons justifiant le changement, le nouveau produit, la nouvelle dose ou le nouveau programme sont comprises par le patient.

Lorsqu’il y a modification d’un opioïde non réglementé ou lorsqu’un client se procure un opioïde non réglementé, il y a un risque que :

  • le nouveau produit soit plus concentré que l’ancien;
  • l’opioïde contenu dans le nouveau produit soit différent de celui de l’ancien produit;
  • le nouveau produit contienne d’autres médicaments, notamment d’autres opioïdes ou d’autres dépresseurs du SNC.

Les utilisateurs, les sites de prévention des surdoses et les sites de consommation supervisée emploient diverses techniques d’analyse pour détecter la présence de fentanyl ou d’autres opioïdes dans les échantillons fournis par l’utilisateur. Il peut par exemple s’agir d’analyses chimiques avancées à l’aide de matériel de recherche ou de bandelettes réactives au fentanyl.

Opioïdes et autres médicaments dépresseurs du système nerveux central (SNC)

Les opioïdes ne sont pas les seuls médicaments pouvant provoquer une dépression respiratoire. D’autres médicaments dépresseurs du SNC, y compris l’alcool, les benzodiazépines et les barbituriques peuvent également la causer.

Lorsque combinés, les dépresseurs du SNC peuvent produire des effets additifs ou synergiques.

Additive effects icon

Effets additifs

En pharmacologie, cela signifie que deux médicaments ou plus ont le même effet sur l’organisme.

Exemple : la tension artérielle augmente de 10 points à la prise du stimulant A, et de 10 points à la prise du stimulant B. Lorsque ces deux stimulants (soit A et B) sont administrés simultanément, la tension artérielle augmente donc de 20 points.

Synergistic effects icon

Effets synergiques

Exemple : les stimulants C et D augmentent respectivement la tension artérielle de 10 points lorsque pris seuls. Administrés ensemble, ils génèrent plutôt une augmentation de 40 points. Les effets combinés dépassent la somme des effets de chaque médicament pris seul.

Lorsqu’on mélange des opioïdes à des dépresseurs du SNC, il faut moins d’opioïdes pour provoquer une dépression respiratoire.

Icon for injection site

Étude de cas

Un de vos amis, qui prend des opioïdes – habituellement par injection, se procure un opioïde non réglementé d’une nouvelle source. Il utilise la drogue et va s’étendre dans une autre pièce. Vous vérifiez s’il va bien, mais constatez qu’il ne réagit pas. Ses lèvres sont légèrement bleues, il respire, mais très faiblement, et il ne répond pas si vous criez ni si vous le secouez. Ses pupilles sont petites. Vous allez chercher votre trousse de naloxone, soupçonnant une surdose d’opioïdes. Vous n’avez jamais administré de naloxone, mais un mois plus tôt, vous avez été témoin d’une autre surdose. Vous administrez une dose nasale de naloxone. Vous criez de nouveau, mais il ne réagit pas et sa respiration est encore très superficielle. Vous communiquez avec le 911. Après trois minutes, vous administrez une autre dose, toujours sans effet. Quand les ambulanciers arrivent, ils administrent d’autres doses de naloxone, mais comme votre ami n’affiche aucune réaction évidente, ils le transportent à l’hôpital.

Directives

Veuillez lire attentivement l’étude de cas ci-dessus. Songez à vos réponses pour chaque question ci-dessous, puis cliquez sur le bouton 'Commentaires' pour révéler la réponse des auteurs.

Questions

1. L’administration de la naloxone ne semble pas avoir eu d’effet. Peut-être était-ce une surdose de benzodiazépines?

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

2. S’agissait-il d’un cas d’opioïde résistant à la naloxone?

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

3. En cas de surdose mixte, devrait-on tout de même administrer de la naloxone?

Ajoutez une réponse et essayez à nouveau.

Diminution de la tolérance

Comme tous les systèmes du corps humain, les systèmes touchés par les opioïdes s’autorégulent : lorsque le système devient hyperactif, l’organisme prend les mesures nécessaires pour limiter l’activité; dans le cas contraire, des mesures s’enclenchent pour augmenter l’activité.

Définition

Opioïdes exogènes
Opioïdes provenant d’une source externe plutôt que produits par l’organisme.
Opioïdes endogènes
Neuromodulateurs naturels produits et sécrétés par les cellules nerveuses.

Lorsque des opioïdes exogènes sont pris, le système opioïde endogène réagit par une diminution de ses activités, notamment de la production réduite de peptides opioïdes endogènes et du nombre de récepteurs opioïdes.

  • L’organisme commence son adaptation à la présence de l’opioïde exogène.
  • Cette adaptation peut être accompagnée d’une certaine tolérance : la personne aura alors besoin d’une quantité croissante de la drogue pour obtenir le même effet.

Lorsque la consommation d’opioïdes cesse, le système opioïde revient à son état initial.

REMARQUE : Cette baisse de tolérance peut survenir plus rapidement que son renforcement. Donc, les utilisateurs d’opioïdes ayant vécu une période d’abstinence ou réduit considérablement leurs doses pour une raison quelconque (p. ex., abstention/réduction volontaire, traitement en établissement ou autre programme de traitement, incarcération, hospitalisation) risquent de subir une surdose s’ils recommencent à consommer les mêmes doses qu’auparavant.

Opioïdes non réglementés

Les opioïdes non réglementés sont ceux produits hors du système de réglementation (on leur appose aussi ces étiquettes : illégaux, illicites, marché noir ou contrebande).

En plus des opioïdes non réglementés, les opioïdes réglementés et sur ordonnance sont parfois importés illégalement et vendus illicitement, volés (p. ex., d’une pharmacie, d’un domicile ou d’un particulier) ou revendus à d’autres après achat sur ordonnance.

Plusieurs opioïdes synthétiques non réglementés ont été recensés en Amérique du Nord, incluant le fentanyl et ses analogues, dont le 3-méthylfentanyl, le carfentanil, le bêta-hydroxyfentanyl, l’acétylfentanyl et bien d’autres.

Trends in the Unregulated Opioid Market

L’augmentation du nombre de cas de DRIO/surdoses et des décès liés aux opioïdes a coïncidé avec des changements dans le marché des opioïdes illicites, des opioïdes sur ordonnance détournés, en particulier l’oxycontin, à l’héroïne, aux fentanyls synthétiques non réglementés.

  • L’oxycontin est un opioïde de qualité pharmaceutique, ce qui signifie que chaque comprimé contient la même quantité connue d’oxycodone.
  • Les fentanyls sont synthétisés en dehors du système de réglementation, sans contrôle de la qualité.
    • Les fentanyls sont généralement plus puissants que les opioïdes pharmaceutiques, de simples erreurs commises dans la chaîne d’approvisionnement ou par l’utilisateur peuvent augmenter le risque de surdose de façon démesurée.

REMARQUE : Le fentanyl est de 50 à 100 fois plus puissant que la morphine.

REMARQUE : Les analogues du fentanyl sont des médicaments créés en copiant la génétique moléculaire du fentanyl tout en y apportant de légères modifications chimiques. Les analogues du fentanyl peuvent être moins puissants, aussi puissants ou plus puissants que le fentanyl en soi (p. ex., le carfentanil est de 50 à 100 fois plus puissant que le fentanyl).

Les médicaments non réglementés peuvent contenir un ou plusieurs fentanyls/analogues du fentanyl, et des opioïdes peuvent entrer dans la composition d’autres types de drogues, dont la cocaïne.

Naloxone

  • La naloxone est un antagoniste (c.-à-d. un bloqueur) des récepteurs opioïdes.
  • Tout comme les opioïdes (agonistes), elle lie les récepteurs opioïdes, y compris les récepteurs opioïdes µ, dans le centre respiratoire.
  • En cas de DRIO, la naloxone annule les effets de l’opioïde sur le centre respiratoire, rétablissant le fonctionnement physiologique normal (la respiration).
  • La naloxone annule aussi d’autres effets des opioïdes, dont leur incidence sur la douleur et l’euphorie, et son administration peut provoquer des frissons, des douleurs musculaires, des nausées et vomissements et de la diarrhée.
  • Chez les personnes ayant une dépendance aux opioïdes, la naloxone peut entraîner des symptômes de sevrage.
Chemical structure of naloxone

Trousses de naloxone

Photo of naloxone kit.

Les trousses de naloxone comprennent habituellement :

  • un contenant rigide;
  • au moins deux doses de naloxone :
    • vaporisateur nasal Narcan® (4 mg/0,1 mL); OU
    • ampoules ou flacons de 1 mL de chlorhydrate de naloxone à 0,4 ou 1,0 mg/mL, pour injection intramusculaire;
  • masque respiratoire d’urgence;
  • gants sans latex;
  • carte d’attestation de formation et/ou feuillet d’instructions;
  • tampons d’alcool (pour l’administration de naloxone par injection);
  • deux seringues sécuritaires, de calibre 25, 1 pouce (2,5 cm) de longueur (pour l’administration de naloxone par injection);
  • dispositif d’ouverture des ampoules (pour l’administration de naloxone par injection).

Selon les endroits, on peut obtenir des trousses de naloxone (gratuites, souvent sans nécessiter de carte d’assurance maladie) dans les pharmacies, les organismes de santé publique, les sites de prévention des surdoses et d’autres services de proximité.

Si une pharmacie n’offre pas de naloxone, n’en fait pas la promotion ou n’en a pas en stock, DEMANDEZ-LA! Des pharmacies pourraient ne pas conserver de trousses de naloxone notamment parce qu’elles ne pensent pas que leurs patients et clients souhaitent s’en procurer.

Administration de la naloxone

  • La naloxone intramusculaire (IM) peut être injectée dans un grand muscle (épaule, jambe).
  • La naloxone intranasale (IN) est pulvérisée dans une narine.
  • Si aucun effet (aucun changement dans la respiration ou la réactivité) n’est produit, une ou plusieurs doses additionnelles peuvent être administrées.
  • Il est impossible d’administrer trop de naloxone.
  • Si une surdose est soupçonnée, mais sans certitude, il faut tout de même en administrer.
  • Et même si une surdose est annulée par la naloxone, il faut signaler le 911. Les effets de la naloxone peuvent s’estomper plus rapidement que ceux de nombreux opioïdes.

Comment administrer la naloxone intranasale :

Comment administrer la naloxone intramusculaire :

Questions



Références

Harm Reduction Services Team. (2019). Etizolam: Public notice. Alberta Health Services. https://www.albertahealthservices.ca/assets/info/hrs/if-hrs-etizolam-public-notice.pdf

Armenian, P., Whitman, J. D., Badea, A., Johnson, W., Drake, C., Dhillon, S. S., Rivera, M., Brandehoff, N. et Lynch, K. L. (2019). Unintentional fentanyl overdoses among persons who thought they were snorting cocaine—Fresno, Californie. 7 janvier 2019. Morbidity and Mortality Weekly Report, 68, pp. 687–688.

Boom, M., Niesters, M., Sarton, E., Aarts, L., Smith, T. W. et Dahan, A. (2012). Non-analgesic effects of opioids: Opioid-induced respiratory depression. Current Pharmaceutical Design, 18, pp. 5994–6004.

Brunton, L. L., Hilal-Dandan, R. et Knollmann, B. C. (2018). Goodman and Gilman’s the pharmacological basis of therapeutics (13e éd.). McGraw-Hill Education.

Katzung, B. G. (2018). Basic and clinical pharmacology (14e éd.). McGraw-Hill Education.

Solimini, R., Pichini, S., Pacifici, R., Busardo, F. P. et Giorgetti, R. (2018). Pharmacotoxicology of non-fentanyl derived new synthetic opioids. Frontiers in Pharmacology, 9, p. 654.