À la fin de ce sujet, l’étudiant devrait être capable de :
« [Traduction] Un préjugé, c’est une tendance ou une inclinaison favorable ou défavorable par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. Certains préjugés sont positifs et utiles, comme choisir de ne manger que les aliments jugés bons pour la santé ou rester à l’écart d’une personne qui a sciemment causé du tort. Or les préjugés se fondent souvent sur des stéréotypes plutôt que sur la connaissance réelle d’une personne ou d’une situation »
« [Traduction] L’expression préjugé implicite se rapporte aux attitudes ou aux stéréotypes qui influencent inconsciemment la compréhension, les actes et les décisions »
Aussi appelés biais inconscients, les attitudes ou stéréotypes liés au préjugé implicite contribuent à la stigmatisation des personnes qui reçoivent des services.
L’expression préjugé implicite décrit des associations qui altèrent nos perceptions et alimentent nos interactions et nos prises de décisions envers autrui selon notre conception d’un groupe de personnes (Marcelin et al., 2019). Ce type de préjugés peut se composer d’évaluations favorables et défavorables, et se déclenche involontairement, sans qu’une personne s’en aperçoive ou le contrôle. Les associations implicites du subconscient engendrent des émotions et des attitudes envers les autres en fonction de caractéristiques comme la race, l’ethnicité, l’âge et l’apparence, ainsi que de comportements, comme l’utilisation de substances (Staats, Capatosto, Wright et Contractor, 2015).
Voici quelques termes utilisés lorsqu’il est question de préjugés implicites :
Mot/expression | Description |
---|---|
Spectateur actif | Personne témoin d’une situation, qui reconnaît le problème potentiel et intervient (Marcelin et al., 2019). |
Préjugé | Tendance à favoriser un groupe plutôt qu’un autre; il peut être favorable ou défavorable, conscient ou inconscient (Marcelin et al., 2019). |
Humilité culturelle | Autoréflexion continuelle : engagement perpétuel d’une personne à évaluer ses propres comportements, croyances et identités, et à déterminer que des préjugés et présomptions peuvent surgir lorsqu’elle collabore avec une personne d’un milieu ou contexte différent (Marcelin et al., 2019). |
Intention et impact | Notion selon laquelle l’objectif de changement de comportement devrait tenir compte de l’impact engendré sur autrui, peu importe l’intention derrière le comportement répréhensible (c.-à-d., qu’il découle d’un préjugé inconscient ou conscient) (Marcelin et al., 2019). |
Microaggression | Offenses brèves et courantes de la vie quotidienne, verbales ou non verbales, volontaires ou involontaires, qui transmettent des insultes ou des affronts hostiles, discriminatoires ou négatifs vis-à-vis de la race, de l’ethnie, du genre, de l’orientation sexuelle ou de la religion; elles peuvent survenir lorsque des personnes sont considérées comme « autres » (Marcelin et al., 2019). |
Préjudice | Manifestation d’une attitude négative envers différents groupes sociaux (Marcelin et al., 2019). |
Stéréotype | Croyance simpliste, figée et répandue à propos d’un groupe de personnes (Marcelin et al., 2019). |
Discrimination | Acte ou décision défavorable envers une personne ou un groupe pour des raisons comme la race, l’âge ou l’incapacité; ces raisons, aussi appelées fondements, sont protégées par la Loi canadienne sur les droits de la personne (Commission canadienne des droits de la personne, s.d.). |
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Les préjugés implicites altèrent la relation entre les professionnels de la santé et des services sociaux et les clients. Ils minent la confiance de ces derniers envers les services offerts, leur connaissance de leurs propres capacités, ainsi que leur compréhension et leur satisfaction de ces services.
Ces changements nuisent à la capacité des clients à se prendre en charge et à adhérer au traitement, et limitent le niveau de compétence culturelle, de souci du client, voire de satisfaction professionnelle des professionnels de la santé et des services sociaux.
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Les personnes qui ressentent une plus grande stigmatisation sont moins portées à se faire traiter que les personnes se sentant moins stigmatisées, même si la gravité de leur trouble lié à l’utilisation de substances est similaire. De même, si elles se sentent stigmatisées ou honteuses, elles risquent davantage d’abandonner leur traitement.
Des études démontrent que plus le trouble fait l’objet d’une stigmatisation, comme c’est le cas des troubles liés à l’utilisation de substances, plus la personne se stigmatise elle-même.
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Le phénomène de contretransfert est répandu chez les prestataires de soins de santé et de services sociaux qui travaillent auprès de personnes souffrant d’un trouble lié à l’utilisation de substances. Il se produit lorsqu’un prestataire projette inconsciemment ses émotions sur le client. Dans un tel cas, une expérience personnelle ou familiale d’abus de substances pourrait nuire à sa capacité à établir une relation avec les personnes souffrant d’un trouble lié à l’utilisation de substances.
Lors d’études portant sur les comportements issus de préjugés implicites envers les clients, de tels préjugés ont entraîné les prestataires à passer moins de temps avec ces clients, à en avoir une mauvaise opinion, à leur fournir seulement les soins ou les services les plus rudimentaires, ainsi qu’à en parler négativement aux autres prestataires.
Les préjugés et la stigmatisation sont interreliés et réciproques; ils peuvent être difficiles à distinguer. Malheureusement, la stigmatisation fait partie de la culture actuelle, ce qui ajoute à l’importance de la sensibilisation.
La stigmatisation sociale, la stigmatisation structurelle et l’autostigmatisation sont les trois principaux types de stigmatisation liés à l’utilisation de substances, comme illustré ci-dessous.
Stigmatisation sociale | Stigmatisation structurelle | Autostigmatisation |
---|---|---|
Attitudes négatives envers les personnes qui font l’usage d’opioïdes, leurs amis ou leurs proches (aussi appelée stigmatisation de courtoisie). « C’est un pauvre junkie. » |
Stigmatisation sociale de la part de personnes qui offrent des services aux utilisateurs de drogues (p. ex., premiers intervenants, prestataires de soins de santé et de services sociaux, représentants gouvernementaux). « Bon… c’est reparti! » |
Intériorisation des messages négatifs véhiculés par la stigmatisation sociale ou structurelle; au fil du temps, ces messages se fondent à l’image que la personne a d’elle-même, ce qui affecte son estime de soi. « Je mérite ce qui m’arrive. » |
Utilisation d’étiquettes négatives dans les conversations de tous les jours et dans les médias. « Avec l’arrivée d’une clinique de méthadone dans la ville, les résidents craignent pour leur propre sécurité. » |
Le fait de ne pas porter attention aux personnes touchées par l’usage de substances ou ne pas prendre leurs demandes au sérieux. « Ce ne sont que des drogués. » |
Associée à un délai dans l’obtention d’un traitement ou à l’évitement des traitements. « Je n’en vaux pas la peine. » |
Application d’images négatives à des personnes qui font l’usage d’opioïdes. | Le fait de ne pas mettre la personne en lien avec des services ou retarder ces services parce qu’on lui attribue une faible priorité. | |
Le fait de ne pas porter attention aux personnes qui font l’usage d’opioïdes. | Développement de services sociaux et de santé qui renforcent la stigmatisation (longues listes d’attente, services offerts à des heures peu pratiques, personnel réduit). |
Adapté d’un texte du gouvernement du Canada (2020)
Il est reconnu que les attitudes négatives des prestataires de soins de santé et de services sociaux entraînent une mauvaise communication, ce qui nuit à la relation thérapeutique et cause une fausse attribution de symptômes physiques de maladie aux troubles liés à l’utilisation de substances, ce que l’on appelle l’ombrage diagnostique.
Pour en savoir plus, consulter le Module 4, Indicateur D.
L’expression préjugés implicites (ou biais inconscients) décrit des associations ou des attitudes qui altèrent inconsciemment les perceptions d’une personne, qui ne les reconnaît donc pas; le préjugé conscient en constitue une forme explicite fondée sur des croyances et des valeurs discriminatoires; il peut être ciblé de par sa nature (Staats et Patton, 2013).
Tant dans le cas du préjugé inconscient que du préjugé conscient, il peut être considérablement difficile pour les prestataires de soins de santé et de services sociaux d’établir une relation thérapeutique empreinte de confiance et de compassion avec les personnes qui font l’utilisation d’opioïdes ou qui ont un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes et avec leurs proches.
Lors d’une revue systématique de 42 articles, FitzGerald et Hurst (2017) ont relevé de solides preuves de la prévalence parmi les médecins et les infirmières et infirmiers de préjugés inconscients affectant leur jugement clinique et leur comportement envers les personnes qui s’injectent des drogues.
Les prestataires de soins de santé et de services sociaux pourraient dire qu’ils traitent toutes les personnes de la même manière et sans préjugé. Cependant, les préjugés inconscients peuvent être difficiles à repérer et les croyances inconscientes des prestataires peuvent se distinguer de leurs actes.
En 1998, Banaji et Greenwald ont conçu un questionnaire intitulé le Test d’association implicite (TAI) afin d’évaluer les préjugés inconscients.
Pour lutter contre les préjugés inconscients, il vaut mieux opter pour une approche multidimensionnelle à plusieurs volets, qui comprend très souvent les plus vastes notions d’inclusion et d’équité illustrées dans la figure ci-dessous.
Les stratégies d’atténuation s’appliquent à différentes échelles : personnelle, communautaire, institutionnelle et politique, afin d’assurer que le changement s’opère verticalement, ou sur plusieurs niveaux.
Adapté de Marcelin, J. R., Siraj, D. S., Victor, R., Kotadia, S. et Maldonado, Y. A. (2019). The impact of unconscious bias in healthcare: How to recognize and mitigate it. The Journal of Infectious Diseases, 220 (Suppl. 2), pp. S62–S73, https://doi.org/10.1093/infdis/jiz214
Ces stratégies ne sont pas indépendantes et fonctionnent mieux lorsqu’elles sont combinées et qu’elles s’inscrivent dans une culture de solidarité. Marcelin et al. (2019) proposent une combinaison des domaines organisationnel, personnel et organisationnel-personnel comme approche d’atténuation des préjugés.
Pour soutenir le changement à l’échelle personnelle, les directions organisationnelles et institutionnelles peuvent indiquer leur intolérance des préjugés et stéréotypes négatifs (DiBrito et al., 2019).
Ce changement peut passer par des avenues tant officielles, comme de la formation continue, que non officielles, comme des discussions fréquentes lors de réunions d’équipe.
Toute personne qui travaille dans un milieu visant le traitement des troubles liés à l’usage de substances peut, entre autres, prendre régulièrement le temps de réfléchir aux événements et aux interactions.
Pour lutter contre les préjugés personnels avant leur manifestation, il faut :
Pour lutter contre les préjugés personnels après leur manifestation, il faut :
Marcelin, J. R., Siraj, D. S., Victor, R., Kotadia, S., & Maldonado, Y. (2019). The Impact of unconscious bias in healthcare: How to recognize and mitigate it. The Journal of Infectious Diseases, 220(2), S62–S73. https://doi.org/10.1093/infdis/jiz214
Certaines stratégies permettent de déceler et de modifier à la fois les préjugés personnels et institutionnels. Marcelin et al. (2019) suggèrent :
Dans la vidéo qui suit, Anurag Gupta, PDG et fondateur de Be More America, définit les notions de préjugé implicite et de préjugé explicite, puis explique ce que les professionnels peuvent faire pour s’en défaire. Il propose également des solutions pratiques pour comprendre et atténuer ses propres préjugés implicites.
Associez chaque terme à sa définition.
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Manifestation d’une attitude négative envers différents groupes sociaux |
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Autoréflexion continuelle qui permet d’évaluer ses propres comportements, croyances et identités par rapport aux personnes différentes de soi |
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Croyances simplistes, figées et très répandues à propos d’un groupe de personnes |
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Personne témoin d’une situation, qui reconnaît le problème potentiel et intervient |
Correct! Les correspondances suivantes sont correctes :
Préjudices | Manifestation d’une attitude négative envers différents groupes sociaux |
Humilité culturelle | Autoréflexion continuelle qui permet d’évaluer ses propres comportements, croyances et identités par rapport aux personnes différentes de soi |
Stéréotypes | Croyances simplistes, figées et très répandues à propos d’un groupe de personnes |
Spectateur actif | Personne témoin d’une situation, qui reconnaît le problème potentiel et intervient |
Incorrect. Les correspondances suivantes sont correctes :
Préjudices | Manifestation d’une attitude négative envers différents groupes sociaux |
Humilité culturelle | Autoréflexion continuelle qui permet d’évaluer ses propres comportements, croyances et identités par rapport aux personnes différentes de soi |
Stéréotypes | Croyances simplistes, figées et très répandues à propos d’un groupe de personnes |
Spectateur actif | Personne témoin d’une situation, qui reconnaît le problème potentiel et intervient |
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