À la fin de ce sujet, l’étudiante ou l’étudiant devrait être en mesure :
Environ 20 % de la population souffre de douleur chronique. Le taux élevé d’utilisation d’opioïdes au Canada souligne le besoin urgent d’améliorer les méthodes courantes de gestion de la douleur (Schopflocher, Taenzer et Jovey, 2011).
« [Traduction] La culture d’une personne influence sa perception, son expérience et son expression de la douleur »
La culture est considérée comme une « lentille » fabriquée socialement, à travers laquelle les gens voient leur monde et leur réalité (Peacock et Patel, 2008). Les facteurs culturels ont donc un impact sur :
Les perceptions interculturelles de la douleur et de la gestion de la douleur varient (p. ex., tentes de sudation, acupuncture, cérémonies traditionnelles), et certaines pratiques culturelles non conventionnelles devraient être envisagées pour traiter la douleur ou les symptômes qui y sont liés.
Un entrecroisement de facteurs culturels et sociodémographiques influence la perception de la douleur d’une personne et sa réaction à celle-ci. Les populations des groupes socioéconomiques défavorisés pourraient non seulement être en mauvaise santé, mais aussi souffrir davantage (Dorner et. al., 2011).
Il y a aussi un entrecroisement de facteurs culturels et de facteurs biologiques et psychologiques. En effet, le modèle biomédical conventionnel de la douleur est devenu un modèle biopsychosocial qui tient compte de la personne dans son ensemble et de son expérience de la douleur.
Des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, culturels et spirituels uniques peuvent affecter le système nerveux, mais aussi définir les circonstances entourant l’apparition et l’expérience de la douleur. L’évaluation et le traitement de la douleur s’appuient sur le modèle biopsychosocial et visent :
Veuillez considérer les questions types ci-dessous, qui peuvent être posées en lien avec les perceptions individuelles et les expériences en lien avec la douleur. N’oubliez pas de laisser une place aux facteurs culturels et sociodémographiques lorsque vous discutez de la douleur.
Le traitement et la gestion de la douleur pour les membres de certaines populations peuvent exiger des approches spécifiques.
Les jeunes et les adolescents nécessitent des soins adaptés sur le plan culturel et développemental et qui sont :
Lorsqu’approprié, la famille (comme définie par la personne) devrait s’impliquer. Les interventions devraient s’adapter aux besoins particuliers des jeunes, et éviter toute présomption d’une approche « universelle »
Définition
Les plans de bien-être devraient comprendre le « regard à deux yeux ». Les peuples autochtones considèrent souvent l’expérience de la douleur physique comme secondaire à la douleur émotionnelle. Cette dernière affecte profondément la santé des peuples autochtones (Allen et Smylie, 2015) et découle souvent :
Les Autochtones vivant en milieu urbain pourraient aussi se sentir déconnectés de la communauté et de la terre, en plus de perdre le sens de l’identité et de la cérémonie. Dans le cadre du traitement, la relation thérapeutique devrait chercher à maintenir la connexion et ce sens de la cérémonie, malgré le déplacement.
Les guérisseurs traditionnels considèrent que la personne forme un tout intégré. La santé est restaurée par le rétablissement de l’équilibre entre l’âme, le corps, l’esprit et la communauté.
Plusieurs adultes plus âgés ont des problèmes de santé concomitants qui causent de la douleur chronique.
(Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, 2018)
À 65 ans, Robert a pris sa retraite, vendant du même coup la quincaillerie que son épouse et lui opéraient depuis plus de 36 ans.
monkeybusinessimages/iStock
– Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, 2018, p. 65
La biomédecine occidentale a connu d’importants progrès dans les domaines de la chimie, de la pharmacologie, de la chirurgie, de la biologie moléculaire et des techniques de laboratoire. Parmi les grandes réalisations de la médecine occidentale, notons :
Cependant, bien des maladies chroniques et dégénératives ne sont pas abordées adéquatement par la médecine occidentale et sont associées à la douleur chronique.
Les troubles multifactoriels complexes requièrent une approche exhaustive qui tient compte de l’ensemble de la personne. Ce concept de traitement de la personne dans son ensemble fait partie intégrante de nombreuses pratiques thérapeutiques non occidentales, notamment :
Les pratiques traditionnelles autochtones de guérison « [Traduction]... mettent l’accent sur la communication avec l’être spirituel et l’imploration directe de la guérison par la prière, la chanson et la cérémonie ». Les guérisseurs traditionnels cherchent des « [Traduction] ...zones de discorde et de déséquilibre » dans la communauté externe, dans la communauté de l’âme du client et dans les relations entre les corps, la terre, les plantes, les animaux et le reste de la création (Mehl-Madrona, 2019).
Cette image, créée par la Régie de la santé des Premières Nations (FNHA) de la C.-B (B.C.’s First Nations Health Authority)., représente une approche fluide et holistique de la santé et du bien-être. Le cercle central représente l’être humain individuel. Le deuxième cercle illustre l’importance des aspects mentaux, émotionnels, spirituels et physiques pour une vie saine et équilibrée. Le troisième cercle représente les valeurs globales qui favorisent le bien-être : le respect, la sagesse, la responsabilité et les relations. Le quatrième cercle présente les gens et les endroits qui entourent chaque être humain. Enfin, le cercle extérieur représente les déterminants sociaux, culturels, économiques et environnementaux de la santé et du bien-être. Cette image est censée servir de point de départ permettant aux personnes et aux communautés de s’adapter afin de créer leurs propres modèles (Mehl-Madrona, 2019). | Affiche “First Nations Perspective on Health and Wellness” de la RSPN (en anglais)
Régie de la santé des Premières Nations (FNHA). (s.d.). First Nations Perspective on Health and Wellness [Image]. Régie de la santé des Premières Nations. https://www.fnha.ca/wellness/wellness-and-the-first-nations-health-authority/first-nations-perspective-on-wellness
La colonisation a des répercussions de longue date sur les peuples autochtones. Ils « [Traduction] ...sont davantage confrontés à la pauvreté, à la violence, à la stigmatisation et à la discrimination, à l’usage de substances, aux infections transmises sexuellement et aux obstacles à l’accès aux services de santé que les autres groupes de la population » (Mehl-Madrona, 2019).
Au Canada, les déterminants sociaux de la santé contribuent grandement à perpétuer les disparités en matière de santé entre les Autochtones et les non-Autochtones. Nombreux déterminants de la santé ont un impact sur la santé et le bien-être des membres des Premières Nations.
Par exemple :
Nombre d’adultes et d’adultes plus âgés des communautés autochtones ont séjourné dans des pensionnats. Le taux d’idéation suicidaire chez les jeunes des Premières Nations augmente lorsqu’au moins un parent ou grand-parent a séjourné dans un pensionnat autochtone.
Le revenu médian des Autochtones est 30 % inférieur à celui des autres Canadiens, et leur taux de chômage est deux fois plus important.
Le taux de surpopulation domestique des Premières Nations est quatre fois supérieur à celui des autres Canadiens et le besoin de réparations majeures (des logements) est quatre fois plus important.
GreenTana/iStock (un pensionnat); justinroque/iStock (écarts de revenu); Nadiinko/iStock (logement)
Les pratiques traditionnelles autochtones de guérison portent sur l’ensemble de la personne et sont importantes dans le traitement et la gestion de la douleur et de l’usage d’opioïdes. Les réactions émergentes prometteuses quant au respect et à l’intégration de pratiques culturelles et sanitaires autochtones dans les soins de santé et les services sociaux comprennent (Allan et Smylie, 2015) :
Voici par ailleurs des exemples de programmes de services sanitaires dirigés par des Autochtones (Allan et Smylie, 2015) :
Les services autochtones liés aux déterminants sociaux de la santé (p. ex., logement, éducation, emploi, langue et culture) et dirigés par la communauté sont de plus en plus nombreux. Les Autochtones sont aussi mieux représentés dans les services et programmes communautaires ayant des répercussions sur la santé. Certains centres de santé communautaire conventionnels, comme le Queen West Community Health Centre de Toronto, offrent des programmes particuliers aux Autochtones.
La Thunderbird Partnership Foundation a publié l’Évaluation du bien-être des autochtones (EMA). Les évaluations effectuées peuvent être soumises en ligne; le client recevra un rapport d’analyse et d’interprétation de ses résultats.
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